Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/293

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rudesse du climat, arrive à un poids moyen extraordinaire, dont la valeur s’accroît encore par l’excellente qualité de sa viande[1].

Voici maintenant quels sont à peu près les résultats comparatifs des deux systèmes :

En France, le nombre des bestiaux abattus annuellement pour la boucherie doit être de 4 millions de têtes, produisant en tout 400 millions de kilogrammes de viande, à raison de 100 kilos de poids moyen. La statistique officielle dit 300 millions seulement.

Dans les îles britanniques, le nombre des bestiaux abattus annuellement est de 2 millions de têtes, produisant en tout 500 millions de kilogrammes de viande, à raison de 250 kilos de poids moyen.

Ainsi, avec 8 millions de têtes et 30 millions d’hectares, l’agriculture britannique produit 500 millions de kilos de viande, tandis que la France, avec 10 millions de têtes et 53 millions d’hectares, n’en produit que 400.

Cette nouvelle disproportion s’explique parfaitement, outre la différence des races, par la différence dans l’âge des animaux abattus. Les bœufs français sont abattus trop tôt ou trop tard; la nécessité de nourrir avant tout nos animaux de travail nous force à tuer un grand nombre de veaux à l’âge où la croissance est la plus rapide. Sur nos 4 millions de têtes figurent 2 millions et demi de veaux qui ne donnent pas plus de 30 kilos de viande nette en moyenne; ceux qui survivent ne sont immolés qu’à un âge où la croissance a cessé depuis longtemps, c’est-à-dire après que l’animal a consommé pendant plusieurs années de la nourriture qui n’a pas servi à accroître son poids. Les Anglais, au contraire, ne tuent leurs animaux ni aussi jeunes, parce que c’est dans la jeunesse qu’ils font le plus de viande, ni aussi vieux, parce qu’ils n’en font plus; ils saisissent le moment précis où l’animal a pris son maximum de croissance.

Ces résultats, si favorables à l’économie rurale anglaise, s’atténuent, il est vrai, par la valeur du travail que donnent en France les bêtes bovines. Nous possédons en tout deux millions environ de bœufs qui travaillent pour la plupart, et parmi les vaches, il en est beaucoup aussi qui traînent la charrue. Si nous avions, comme les Anglais, supprimé à peu près partout le travail des bœufs, nous aurions été forcés de les remplacer par des chevaux; ces chevaux entraîneraient des dépenses qui représentent la valeur actuelle du travail des bêtes à cornes. En évaluant ce travail à 200 francs environ par attelage, ce serait une somme annuelle de 200 millions à ajouter au crédit de notre race bovine.

  1. Une collection complète de ces races précieuses avait été réunie en France à l’institut national agronomique, elle a été dispersée par la destruction de cet établissement.