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partisans des manufactures citent, parmi les avantages qu’elles peuvent offrir, celui de retenir dans les villes une partie des populations, qui autrement leur échapperaient[1]. Ce n’est pas en général ce qu’on redoute chez nous. Qu’un tel point de vue soit celui des whigs, c’est-à-dire des conservateurs américains, cela montre assez combien diffèrent les situations des deux pays et les dangers qui menacent leur avenir.

Enfin j’ai trouvé un interrogateur. On m’avait annoncé que je serais accablé de questions aux États-Unis. Jusqu’ici j’en ai adressé beaucoup, et on ne m’en a pas adressé une seule; mais à Lowell, ayant demandé mon chemin à un paveur, celui-ci, que je crois Irlandais, m’a questionné sur les fêtes de Boston. Je n’ai point été scandalisé, comme un touriste anglais l’eût été peut-être, de la liberté grande. J’ai répondu à ses questions, me promettant bien de me venger par les miennes sur le premier Américain que je rencontrerai. En errant dans les rues de Lowell, je rencontre une exhibition de l’industrie locale. C’est en petit ce que je viens de voir à Londres; tout cela est produit par une ville de 30,000 âmes. Ce soir, on jouera l’Ouvrière, ici pièce de circonstance. Je vois aussi qu’il y aura un concert où l’on exécutera des morceaux d’Haydn, de Mozart et de Weber; les places sont à 25 sous.

On. m’avait recommandé de visiter le nouvel hôpital. J’ai passé deux fois devant la porte sans m’en douter. Comment croire que cette charmante villa est un hospice? L’intérieur répondait à l’extérieur; les chambres étaient d’une propreté poussée jusqu’à la recherche; il y avait même des rocking-chaise, ces fauteuils-balançoires dont l’usage est si répandu aux États-Unis. Ce qui m’a étonné, c’est de ne trouver qu’un malade; mais il y a un autre hôpital, et je suppose qu’on se fait beaucoup traiter à domicile.


Boston, 22 septembre.

L’intérêt scientifique, si puissant à Cambridge, n’est pas absent de Boston. Je demande pardon au lecteur de lui parler encore géologie; mais je ne puis me dispenser de mentionner le squelette de mastodonte que possède M. le docteur Warren, et qui offre un des débris les plus curieux et les plus complets de l’ancienne création. C’est, je crois, avec l’éléphant antédiluvien de Saint-Pétersbourg et le megatherium de Madrid, le vestige le plus considérable de l’époque antérieure à l’homme. Dans l’intérieur de ce grand quadrupède, on a trouvé des feuilles dont on a pu reconnaître la nature; elles appartiennent à une espèce de pin (le hemlock) qui croît encore aujourd’hui dans le lieu où le squelette a été trouvé; ce qui fait voir que, depuis l’époque où

  1. M. Ed. Everett, t. II, p. 60.