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et nous parlait de cette jeunesse vénérable que repoussaient assez brutalement les agens de police. Ce sont là de ces ridicules de parti que je ne subis pas, et de ces vaines provocations que je déteste; mais qu’après de fortes études dans les lycées, des études concentrées et vigoureuses comme les voulait l’empereur, il y ait de grands cours publics librement suivis où, pendant les trois ou quatre années des inscriptions de droit et de médecine, et pendant le premier stage du barreau et parfois de la magistrature, on se fortifie dans les connaissances générales de philosophie, d’histoire et de lettres anciennes ou modernes, cela me charme, cela me paraît la vie morale et la perpétuité croissante d’un peuple.

« Dans nos temps modernes, pour aimer la liberté et pour en bien user, il faut beaucoup savoir, beaucoup comparer, beaucoup juger.

« Que l’éducation prépare à cela, il ne restera plus qu’à supprimer cette barrière des quarante ans, qui ne nous laisse passer que trop vieux, et attarde nos successeurs; alors, quel que soit le mode électoral, ce pays d’esprit et de travail donnera d’excellens députés. Ah! je ne puis vous dire combien je suis heureux de ce que j’ai vu. On serait bien coupable et bien maladroit de vouloir, par esprit de réaction et de défiance, ôter à la France un tel avenir, et on n’y réussirait pas, du moins pour longtemps. »

Tout ceci n’est qu’une bien faible image des expressions mêmes du général Foy dardées de sa voix et de son regard, avec cet air de franchise et de passion qui faisait sa physionomie. — Déjà cependant la fatigue de cinq ans de tribune, succédant à plus de vingt ans de guerre continue, était fort sensible en lui, et mêlait par momens une impression de souffrance à cette parole vibrante et forte, à cette intonation toujours émue et rapide, où semblaient retentir les battemens trop précipités de son noble cœur. Je l’écoutais, je le regardais, et, muet devant lui, j’avais l’air sans doute d’avoir appris de mémoire les paroles que je disais naguère en Sorbonne, avec assurance, devant un si nombreux auditoire. Subjugué ainsi, j’éprouvais en toute humilité l’ascendant de l’éloquence effective et virile sur la spéculation studieuse : c’est ce que Pascal exprimait si bien, quand il parlait de la satisfaction d’avoir devant soi, non pas un auteur, mais un homme.

Je me bornai enfin à remercier le général Foy de la bonne opinion qu’il avait, du bon augure qu’il tirait de nos études classiques ainsi prolongées, puis je hasardai là quelques souvenirs, qui m’étaient déjà familiers, sur la forte éducation et l’éloquence savante, quoique libre et pratique, des orateurs anglais.

Le général Foy avait médiocre sympathie pour eux; ce qu’il en avait lu, me dit-il, était trop technique, trop local, trop peu