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considérait les nébuleuses comme des masses d’une matière sidérale en voie de condensation ; mais, observées à l’aide des grands télescopes, ces masses flottantes se décomposent et se résolvent en une immense et lumineuse poussière de mondes. On conçoit les transports que fait éprouver aux astronomes ce triomphe de leurs instrumens, qui leur permet de voir les astres se multiplier pour eux dans le champ de l’infini. « Vous partagerez ma joie, écrivait le directeur de l’observatoire de Cambridge, en apprenant que la grande nébuleuse d’Orion a cédé à la puissance de notre incomparable télescope….. Cette nébuleuse avait résisté à l’habileté sans rivale des deux Herschell armés de leurs excellens réflecteurs. Elle avait défié le miroir objectif de trois pieds de lord Ross, et même quand son grand réflecteur et six forts spéculums de six pieds furent dirigés vers cet objet, on ne découvrit pas la plus petite apparence d’une étoile,… et notre télescope a fait ce que n’ont pu faire jusqu’ici les plus grands réflecteurs du monde. »

L’astronomie est une des sciences qui sont cultivées avec le plus de succès aux États-Unis. Franklin avait déjà remarqué que cette pureté, cette transparence de l’atmosphère, qui m’a frappé moi-même, y était très-favorable aux observations astronomiques. Le goût de cette étude est si général en ce pays, que beaucoup de négocians font construire de petits observatoires d’où ils s’amusent à étudier le ciel. Des travaux plus sérieux ont permis à M. Lomis d’écrire un livre sur les Progrès de l’astronomie en Amérique. Dans cet observatoire de Cambridge, M. Bond, qui en est directeur, aidé de son fils, a découvert un troisième anneau de Saturne. Le premier avait été observé par Huyghens, et le second par Cassini. Ce sont des noms à la suite desquels il est glorieux de placer le sien. Les deux observateurs de Cambridge ont ajouté un satellite aux satellites déjà connus de la même planète. Ce peuple ne tire donc pas seulement d’une terre vierge toutes les richesses qu’elle peut produire, il trouve encore dans ses loisirs le temps d’enrichir la science et le ciel.

Non loin de l’observatoire est le jardin botanique. L’étude de la botanique n’est pas étrangère aux États-Unis. La flore nouvelle que l’Amérique offrait aux investigateurs de la science a eu ses zélateurs passionnés. Les colonies anglaises, avant leur émancipation, avaient vu naître ce Bartram, qui, selon le génie du pays, s’était formé lui-même, que Linné appelait un botaniste de nature, et qui fonda le premier jardin botanique, bien qu’il fût tellement pauvre qu’un naturaliste anglais, son ami, lui envoyait de temps en temps du papier gris pour son herbier et du drap pour se faire des habits. Un second jardin botanique fut fondé par Marshall, qui, comme Bartram, se bâtit lui-même une maison sur un terrain qu’il défrichait, et où s’élève aujourd’hui une ville qui porte son nom. Le directeur actuel du jardin