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Samboangan fut jadis peuplé par des Indiens venus de Luçon : l’exemption de toute espèce de tribut les attira sur les côtes de Mindanao. Le nombre des habitans s’est peu accru depuis cette époque, il ne s’élève encore qu’à sept ou huit mille âmes. La fusion des races s’est cependant opérée avec une facilité merveilleuse sur ce coin de terre isolé. Les métis forment à Samboangan la majorité de la population. Ils sont fiers de leur origine espagnole et parlent le castillan avec plus de pureté que la majeure partie des habitans de l’Espagne. Ils ont d’ailleurs les défauts et les qualités propres aux races créoles : la bravoure et l’indolence. Placés à proximité des côtes de Bornéo et des îles Soulou, menacés sur leur flanc gauche par les Illanos, ils ont pris l’habitude de se protéger eux-mêmes. La plupart des habitans portent, outre leur mousquet, le fameux campilan, grand sabre à large lame et à lourde poignée, destiné à pourfendre les Maures; tel est encore, dans les colonies espagnoles, le nom sous lequel les Indiens catholiques désignent les Indiens infidèles. Cette population guerrière a plus de goût pour le métier des armes que pour les travaux de l’agriculture. La partie cultivée de ses possessions se réduit à une étroite lisière de terrain défriché que bornent les eaux limpides de la Toumanga ; au-delà de cette zone restreinte, la forêt vierge couvre de ses masses impénétrables le flanc des montagnes.

Avant de pénétrer dans les colonies néerlandaises, il n’était point sans intérêt d’accorder au moins un coup d’œil à cette dernière empreinte de la domination espagnole. Un guide intelligent et actif, el señor Molina, nous avait offert ses services. Nous le chargeâmes de nous procurer des chevaux, et, dès le lendemain de notre arrivée, nous nous mîmes en route pour visiter les bords de la Toumanga. La nature tropicale a des heures magiques. Le disque du soleil venait à peine d’apparaître au-dessus de l’horizon, quand nous atteignîmes le pont qui unit les deux rives du torrent. Au fond du ravin, sur un lit de galets bleuâtres, coulait la Toumanga. La brise du matin agitait doucement le feuillage des arbres; mille oiseaux bourdonnaient autour des tubes de bambou dans lesquels se recueille la