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s’était proposé de conquérir l’île de Java que pour l’abandonner au gouvernement des princes indigènes. Il reconnut heureusement les funestes conséquences qu’entraînerait pour la population même de Java cet acte de vandalisme politique, et, mieux inspiré, il laissa ses agens raffermir par quelques mesures vigoureuses le prestige de l’autorité européenne qu’avaient singulièrement affaibli les dernières secousses. En 1816, la Hollande rentra en possession de ses colonies, et une nouvelle ère s’ouvrit pour les peuples de l’archipel indien.


II.

La domination anglaise ne s’était point substituée au pouvoir traditionnel de la Hollande, apportant avec un nouveau drapeau des idées nouvelles, une politique plus libérale et plus aventureuse, sans que cette révolution éveillât chez les peuples de la Malaisie quelques velléités d’indépendance. Le gouvernement de M. Van der Capellen, auquel le régime intérieur de la colonie dut, sous plus d’un rapport, d’importantes réformes, eut surtout pour mission de rétablir dans l’archipel la suprématie politique de Java, et de ressaisir de tous côtés les fils que la main négligente de l’Angleterre avait laissé échapper.

Les huit années que M. Van der Capellen passa dans les Indes revêtu du titre de commissaire-général ou de celui de gouverneur, furent remplies de séditions et de soulèvemens. Les îles d’Amboine et de Saparoua dans les Moluques, la principauté de Boni à Célèbes, la résidence de Pontianak à Bornéo, furent successivement le théâtre des troubles les plus graves. L’énergie des autorités néerlandaises réprima sans peine ces désordres ; mais dans l’île de Sumatra la lutte fut plus vive. L’appui secret de l’Angleterre encourageait sur ce point la résistance des indigènes. L’établissement anglais de Bencoulen était presqu’en guerre ouverte avec le comptoir hollandais de Padang. Vaincue en 1821 dans l’état de Palembang, où elle avait soutenu de ses vœux et de ses conseils le sultan révolté, la politique anglaise revint en 1824 à des vues plus loyales. Le zèle des agens de Bencoulen fut désapprouvé par la métropole, et la pensée d’éviter de nouveaux contacts entre les deux dominations fut accueillie par le cabinet britannique. Les Hollandais durent se retirer de l’Inde continentale, et les Anglais consentirent de leur côté à évacuer l’archipel indien. L’île de Banca avait été le prix de l’établissement de Cochin, cédé par le gouvernement des Pays-Bas à celui de la Grande-Bretagne; la ville de Malacca fut livrée par la Hollande en échange de Bencoulen. Les Anglais n’imposèrent qu’une condition à leur retraite : ils voulurent demeurer garans de l’indépendance de l’état d’Achem, afin d’éloigner plus sûrement leurs rivaux des côtes de l’Hindoustan et du détroit de Malacca.