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devinrent l’étude constante des employés hollandais, et tout progrès fut condamné à l’avance, s’il devait heurter par un point quelconque l’immobilité des coutumes javanaises. On redoubla d’égards envers les régens et les prêtres. Les plus simples réformes furent mises sous la protection de leur égoïsme ; leurs revenus et ceux de l’état devinrent solidaires. Ce fut l’âge d’or de l’aristocratie et du clergé indigènes. Les écrivains qui ont jugé si sévèrement le système colonial de la Hollande ont peut-être méconnu combien en réalité ce système est conforme aux idées populaires des Javanais. Ce n’est point sans danger qu’on peut troubler dans leur foi grossière des masses ignorantes. Avertis par la lutte qu’ils venaient de soutenir, les Hollandais ont pensé que l’intervention étrangère pouvait, dans la poursuite de ses desseins les plus généreux, paraître tyrannique et devenir odieuse. L’état d’abaissement dans lequel vit encore le peuple de Java est donc l’effet de ses préjugés bien plus que de la volonté de ses vainqueurs; les misères auxquelles nous compatissons témoignent moins de l’âpreté du fisc que d’un respect exagéré pour la nationalité javanaise.

M. Van der Capellen et M. Dubus de Ghisignies, qui lui succéda en 1826, avaient eu, l’un à se défendre contre des troubles incessans, l’autre à consolider la domination hollandaise dans l’archipel indien. Le comte Van den Bosch, nommé au gouvernement de Java en 1830, avait une autre tâche à remplir : il devait organiser l’exploitation d’une colonie qui, pendant de longues années, n’avait été qu’une charge ruineuse pour la métropole. Les revenus publics se composaient, dans l’île de Java, d’un impôt foncier prélevé en argent ou en nature, et d’un certain nombre de taxes indirectes, dont le produit était généralement affermé à des spéculateurs chinois. La totalité de ces revenus s’élevait à 53 ou 54 millions de francs. Dans les temps ordinaires, en l’absence de toute complication, de pareilles recettes étaient plus que suffisantes pour couvrir les dépenses des Indes néerlandaises ; mais l’argent était rare à Java. Le gouvernement s’y était créé une funeste source de bénéfices par l’introduction d’une monnaie de papier et de cuivre. C’était cette monnaie coloniale, ou du riz impropre à l’exportation, que l’état recevait en recouvrement de l’impôt. L’excédant des recettes ne pouvait donc se consommer que dans la colonie. Pour venir en aide à la métropole, engagée à cette époque dans de stériles projets contre la Belgique, il fallait se procurer, en échange de cet excédant, des produits recherchés sur les marchés de l’Europe. M. Van den Bosch ne désespéra point d’y parvenir.

Il existait à Java une vaste province, les Preangers, dont les habitans, depuis le temps de la compagnie, étaient astreints à la