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2o On prend la religion comme quelque chose de théorique, de métaphysique, non comme mi fait ; dès lors elle ne peut plus agir sur le cœur ;

3o L’infidélité a changé de forme ; elle ne se produit plus sous un aspect grossier et repoussant, escortée du blasphème et de la licence comme au temps de Thomas Payne ; elle n’habite plus les tavernes et les mauvais lieux. Maintenant elle réforme le christianisme ; elle prétend en savoir plus que la Bible. — Ici l’orateur a placé un morceau assez vif sur les âges des terrains selon les géologues, que pourtant des hommes très pieux, M. Frayssinous parmi les catholiques, M. Buckland parmi les protestans, ne regardent point comme inconciliables avec l’Écriture, et une autre tirade non moins vive contre l’opinion plus difficilement orthodoxe, il est vrai, qui admet diverses races humaines ne procédant pas d’une même origine.

4o L’inimitié des diverses églises et des membres d’une même église entre eux. À en croire le prédicateur, il régnerait peu de charité entre les diverses sociétés religieuses qui sont forcées de se tolérer aux États-Unis. Il pourrait bien en être quelquefois ainsi. Quant à moi, ce besoin d’intolérance si naturel à l’esprit de secte ne m’a jamais plus frappé que dans un journal universaliste. Les universalistes sont ceux qui pensent que justes et pécheurs, croyans et incrédules, tout le monde sera sauvé. Voilà une doctrine fort charitable ; je n’ai nulle part trouvé plus d’amertume que dans la controverse consacrée à l’établir. Il semblait que le théologien qui avait écrit l’article en question voulût se dédommager, en insultant ses adversaires dans ce monde, du chagrin de ne pouvoir les damner dans l’autre. En revanche, il existe un poème intitulé l’Universaliade, écrit tout exprès pour célébrer la damnation de tous ceux qui ne sont pas orthodoxes comme l’entend l’auteur.

Le prédicateur a cité enfin comme une des causes de la décadence religieuse le désir immodéré de faire fortune. Il a vigoureusement appuyé sur ce vice national. « Dieu, s’est-il écrié. Dieu fera ce qu’il a déjà fait : il soufflera sur ces richesses, afin de laisser à leurs possesseurs plus de temps pour penser à lui. »

Ce discours a été lu lentement, le prédicateur s’arrêtant entre chaque phrase avec quelque chose dans le ton de convaincu et d’impressif.

Voilà un sermon bien différent de la dissertation utilitaire de M. Waker à Boston. Plus on avance vers l’ouest, plus on trouve de foi véhémente et d’entraînement religieux.


Chicago.

On m’avait beaucoup recommandé d’aller à Chicago. Chicago est une ville située sur le bord du lac Michigan, à l’entrée de la prairie,