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partagée en neuf principautés distinctes, renferme une population de 7 ou 800,000 âmes. Les Balinais appartiennent à la même race que les habitans de Java. Ils sont cependant plus forts et mieux conformés que les Javanais. Leur regard a plus de vivacité ; leur teint se rapproche davantage de celui des Hindous. On retrouve chez eux l’orgueil héréditaire des castes de l’Inde. Les brahmanes et les wasias de Bali paraissent descendre des premiers colons de la côte de Coromandel ; les satrias perpétuent la race du prince javanais qui, avant la chute de l’empire de Modjopahit, vint fonder à Bali l’état de Klong-Kong. Les souddaras occupent le dernier rang de la hiérarchie nobiliaire ; ils composent la classe des chefs de village. Les Balinais n’ont point la férocité des Maures de SouIou ; ils ont le point d’honneur, l’obéissance fanatique, le mépris de la mort qui distinguent encore aujourd’hui les habitans du Japon. L’influence sacerdotale est prédominante à Bali. La caste des brahmanes a le pas sur la caste des princes. Le roi de Klong-Kong, bien qu’il ne sorte point de cette famille hindoue, est cependant considéré par elle comme le chef héréditaire de la religion. Ce prince est à Bali ce que le daïri était au sein de l’empire japonais, avant que le xo-goun usurpât ses pouvoirs temporels. Les autres souverains reconnaissent sa suprématie et lui rendent un hommage superstitieux. L’île de Bali, comme l’a très-bien fait remarquer un écrivain hollandais, nous montre ce que fut l’île de Java au temps des princes hindous de Padjajaran et de Modjopahit.

Le territoire de Bali est montueux et accidenté. De nombreux ruisseaux descendant des montagnes favorisent dans cette île la fécondité naturelle du sol. Les rizières y donnent chaque année deux récoltes, et c’est le point de l’archipel indien où la culture du coton a le mieux réussi. Les femmes de Bali tissent elles-mêmes la plupart des étoffes qui se consomment dans l’île ; les hommes savent tremper et corroyer les lames de leurs kris. Ce n’est donc que pour les armes à feu et pour la poudre à canon que les Balinais sont demeurés les tributaires des fabriques indigènes de Banjermassing ou des importations européennes de Singapore, Les Chinois et les Bouguis, établis sur divers points de la côte, sont les principaux agens de ce commerce, et c’est par leur intervention que les Anglais cherchaient à nouer entre Bali et Singapore des relations plus suivies et plus étendues. Dès l’année 1840, le gouvernement néerlandais avait répondu à ces tentatives du commerce britannique par l’établissement d’une factorerie dans l’île de Bali. La Maatsehappy, par l’entremise d’un de ses agens, échangeait des étoffes hollandaises ou des produits javanais contre du riz, du coton, de l’écaille de tortue et de l’huile de coco. Les Balinais virent, dans la présence de ce résident étranger sur leur territoire, une première atteinte portée à leur indépendance. Le prince de Bleling, le plus puissant des rajahs de Bali, prit soin