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étrangères du roi de Piémont, blessé à Vicence ; le prince de Schwarzenberg, atteint au bras d’un coup de feu à Goïto, nobles exemples qui vous reportent involontairement vers cet autre grand ministre, le cardinal de Richelieu, à cheval sous les batteries des forts de La Rochelle !

Le maréchal, du reste, ne se faisait pas d’illusions, et voyait clairement que l’Italie était devenue un terrain qu’il lui fallait reconquérir pied à pied ; aussi, dans ce désastre universel, n’accordait-il qu’une attention assez médiocre aux mille défections dont chaque jour, chaque heure apportait la nouvelle. Une ville de plus ou de moins, c’était là désormais à ses yeux une question secondaire, et tout son intérêt, toutes ses préoccupations se concentraient sur les places fortes dont il méditait de faire dans l’avenir ses bases d’opération. Ah ! si Venise eût tenu bon comme Mantoue, les choses, sans nul doute, auraient pu prendre un autre aspect : livrer à Charles-Albert un combat décisif, l’écraser avant qu’il eût le temps de rassembler ses forces sur le Mincio, rien de cela n’était impossible ; mais qu’on réfléchisse à la situation où se trouvait Radetzky. Les nouvelles de Vienne prenaient de plus en plus un caractère alarmant ; esclave des partis ameutés, misérable jouet du flot révolutionnaire, le cabinet Pillersdorf marchait de concessions en concessions, et faisait litière de tous les droits de la couronne. Était-ce le moment de jouer sur un coup de dés la fortune de l’empire ? Le maréchal ne le pensa point ; il prit la ferme résolution de se retrancher dans Vérone, et de n’en venir aux mains qu’autant qu’on oserait l’y attaquer. L’heure avait sonné pour Radetzky de démontrer par la pratique l’importance qu’il accordait volontiers en théorie à cette place forte. Vers ce point convergeait pour le moment toute sa stratégie ; là il ravitaillerait ses troupes, organiserait son matériel ; là il attendrait l’armée de réserve que Nugent lui amenait. Quelle victoire pouvait valoir les avantages qu’on allait tirer d’un pareil plan ? Heureusement pour le maréchal, Charles-Albert, tranquille sur le Mincio, ne troubla point sa retraite et lui laissa le temps de préparer à loisir ses plans de campagne.

L’armée de réserve ne pouvait, dans l’état du pays, lui arriver qu’en passant par de nombreux détours, et avec cela point de nouvelles ! Qu’on se figure ses impatiences, ses perplexités, ses découragemens ! Quand il pourrait enfin commencer ses opérations, lui-même l’ignorait, car tout dépendait de sa jonction avec Nugent, et comment prévoir l’heure où cette jonction se ferait ? Venise coupée, le seul moyen qui lui restât de communiquer avec l’intérieur de la monarchie, c’était la voie éloignée et difficile du Tyrol, et encore cette voie menaçait d’être interceptée dès l’instant que l’ennemi s’avancerait sur le lac de Garda. Les nouvelles n’arrivaient plus que