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vigueur des géans. » Il semble que ce soit là une tradition indienne recueillie par le missionnaire morave ; mais elle n’a probablement pas beaucoup d’importance, parce qu’il est naturel que les sauvages aient supposé l’existence d’un peuple de géans pour expliquer la présence de monumens dont ils ignoraient l’origine, et qu’après avoir imaginé ce peuple de géans, ils aient fait à leurs ancêtres l’honneur d’en triompher.

Quand on voit ces monumens singuliers s’avancer des bords du Saint-Laurent jusqu’au Mexique, on ne peut se défendre d’une conjecture qui se présente naturellement. Le peuple inconnu qui les a construits, n’est-ce pas ce peuple que les peintures mexicaines montrent marchant du nord au sud, et dans lequel on est porté à voir une émigration asiatique entrant en Amérique par l’extrémité septentrionale de ce continent ? Il y a une certaine analogie entre les ouvrages défensifs du peuple inconnu et ceux des Mexicains[1], entre les pyramides tronquées, et quelquefois à degrés, de la vallée de l’Ohio ou du Mississipi, et les tèocallis mexicains. Les monumens que j’ai visités et leurs analogues seraient les premiers efforts d’une civilisation encore imparfaite qui se serait développée plus complètement sur le plateau du Mexique. On s’expliquerait ainsi la présence de ce peuple dans ces contrées à une époque ancienne et sa disparition.

Peut-être faut-il attribuer à ce peuple disparu de la surface de la terre certaines traces de demi-civilisation, comme ces anciennes cultures qui semblent avoir été abandonnées, et qu’on a suivies sur un espace de cinquante lieues à travers la prairie, depuis la source du Wabash jusqu’à la vallée de la grande rivière du Michigan, et surtout ces vestiges d’exploitation du cuivre près du Lac Supérieur, qui semblent antérieurs à l’arrivée des blancs, et sur lesquels un observateur, qui paraît exact et qui les visita en 1849, a donné de curieux détails. Il a trouvé de vastes tranchées larges de 10 à 15 pieds et d’une profondeur qui varie de 5 à 25 pieds, un pilier naturel ménagé dans l’épaisseur du terrain pour soutenir le toit, comme cela se pratique dans les mines de houille, enfin une masse de cuivre natif reposant sur un treillis de bois, et que les anciens mineurs avaient essayé de soulever au moyen de coins, mais qu’ils avaient été obligés d’abandonner à cause de son grand poids, qui était de douze mille livres environ. Tout à l’entour étaient des monceaux de charbon et de cendre, qui témoignaient de l’emploi du feu. Un rocher très dur avait été ouvert sur une ligne longue de plusieurs milles. Ce qui prouve l’antiquité de ces travaux, c’est l’absence d’instrumens en

  1. Ancient Monuments of the Valley of Missisipi, p. 18, 45.