Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/802

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les règlemens nouveaux soumis au conseil sont de diverse nature ; ils touchent à l’agrégation des lycées, à l’enseignement des facultés des lettres, à l’enseignement du droit romain, à la licence pour les sciences physiques, mathématiques et naturelles, enfin au régime financier des lycées. Déjà des décrets ou des arrêtés sont intervenus sur certains de ces règlemens, notamment sur celui qui concerne l’enseignement du droit romain ; les autres sont encore en discussion au sein du conseil supérieur, et ne tarderont pas, à ce qu’il paraît, à voir le jour. Quelle influence exerceront sur l’instruction publique en France les réformes accomplies depuis quelque temps et poursuivies encore par le gouvernement ? L’expérience seule peut répondre évidemment. Tout ce que le gouvernement peut faire, c’est de marcher avec prudence dans une voie où il a été conduit par un de ces reviremens d’opinion si fréquens aux heures de révolution.

L’instruction publique en effet, telle qu’elle a été longtemps constituée, a été l’objet de bien des accusations : cela tient un peu à ce qu’on est en général bien aise de se décharger sur quelqu’un ou sur quelque chose de la responsabilité d’un mal universel où tout le monde a sa part. L’instruction publique, cette fois, a été un des coupables. Sans partager bien des injustices et bien des préjugés d’esprits superficiels, quelle a été en réalité la faute de l’instruction publique ? C’est d’avoir été de son temps, d’avoir flatté peut-être quelquefois des goûts, des instincts, des enivremens factices au lieu de les réprimer, d’avoir cédé à des tendances qui l’éloignaient insensiblement de son but. La discipline morale a commencé par disparaître de l’éducation publique, et cette discipline, ce n’est point malheureusement avec des règlemens ou des décrets qu’on peut la faire renaître. Une fois sur ce terrain, d’autres déviations sont venues et se sont manifestées sous plus d’une forme. S’il y a bien des professeurs de tout âge et à tous les degrés de renseignement qui sont restés fidèles à leur rôle, à leur mission, à leur caractère, n’est-il pas vrai qu’il en est bien d’autres qui ont été moins occupés de rester des maîtres attentifs et pratiques que d’être des esprits brillans et instruits parfois, il est vrai, mais plus habituellement tournés vers le dehors que vers l’intérieur modeste de leur classe ? Le caractère propre du maître s’est atténué en eux. En ce qui touche les élèves eux-mêmes, n’est-il point vrai encore que l’enseignement a été considéré comme une sorte de gymnastique à l’aide de laquelle ils se sont accoutumés à prendre avec hâte et précipitation une teinture générale de tout, qui leur procurait l’illusion de la science sans leur en laisser la réalité ? L’instruction publique est devenue ainsi telle que nous l’avons vue, — plus littéraire que morale, plus superficielle que profonde, plus étendue que substantielle.

Si les réformes actuelles ont pour résultat de ramener l’instruction publique à son but, de coordonner les études, de les fortifier en les spécialisant, de leur faire regagner en solidité ce qu’elles peuvent perdre en étendue, il ne faut pas s’en plaindre. C’est ce qui doit dominer les modifications auxquelles renseignement est soumis depuis quelque temps ; c’est là, il nous semble, la pensée des divers règlemens que le conseil supérieur a eu à discuter dans ces derniers mois. C’est aussi à cette pensée que se rattachent toutes les dispositions qui tendent à rendre un caractère plus pratique au professorat dans