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donc que la création, si elle n’est pas la première des révélations ? Ne me dites pas que j’abuse des termes ; la vérité se révèle quand elle se communique. Cette communication n’est jamais, sur cette terre du moins, cette vision parfaite dont nos célestes espérances nous donnent quelque idée. Nous le savons par la plus constante, la plus universelle, la plus intime expérience, le jour se fait peu à peu dans notre esprit ; la vérité, sortant par degrés de l’invisible, y apparaît, y pénètre, s’y établit, et finit par se rendre chaque jour même plus sensible et plus familière, à l’aide de toutes ces affections du dehors qui sont comme les occasions de l’activité de l’intelligence, et qui l’excitent sans la maîtriser, qui la servent sans lui obéir. Pourquoi cela est-il ainsi ? Pourquoi ce mystère dans l’intérieur de notre être ? Pourquoi ce demi-jour dans le seul temple où Dieu veut faire sentir sa présence ? Pourquoi ce je ne sais quoi d’indécis dans nos connaissances, qui fait que la réflexion la plus attentive ne suffit pas toujours pour nous aider à distinguer sûrement nos sensations de nos idées, nos idées acquises de nos idées primitives, nos opérations de nos lois, ce qui est vérité, ce qui est illusion, le nécessaire, le contingent, l’éternel, le variable ?… Je l’ignore ; mais dans les manifestations même externes et surnaturelles du Dieu de Jacob, dans les paroles inspirées du livre saint, il y a des nuages, il y a des ombres ; le sens caché sous des figures flottantes ne se décèle qu’à la sagacité patiente et parfois abusée de l’interprète, vere Deus absconditus. Image fidèle, harmonieuse répétition de cette obscurité relative dont l’ordonnateur des choses a voulu s’envelopper en se communiquant par le verbe intérieur à l’esprit humain ! Mais quelle que soit la difficulté d’éclairer d’une lumière suffisante les profondeurs de l’âme, la plupart des philosophes ont reconnu et prouvé qu’il s’y rencontre des lois, des principes, des vérités, des anticipations, peu importent ici les termes, tout au moins une raison qui s’égale aux choses, une intelligence faite pour la vérité, une communauté, une société, une harmonie avec Dieu même ; vous trouverez ces expressions et bien d’autres dans leurs livres : elles ne signifient rien que de naturel, quoique merveilleux ; mais la nature est une merveille de tous les jours. Elles signifient seulement que la raison est faite pour la vérité. La raison atteint souvent la vérité d’une manière directe et qui semble inspirée ; c’est ainsi que s’offrent à elle, qu’apparaissent en elle ces notions nécessaires dont aucune intelligence n’est dépourvue. L’intelligence, comme l’homme même, et parce qu’elle est l’homme même, est assujettie au travail. Par des efforts lents et réfléchis, par l’emploi raisonné de ses facultés, elle s’éclaire, elle s’agrandit, elle voit d’une manière distincte ce qu’elle entrevoyait confusément ; elle découvre dans ce qu’elle connaît ce