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de la Providence qu’il l’a fait dans d’autres écrits, et, quoiqu’il n’y suive pas son ami Cotta, nous le trouvons encore trop préoccupé des doutes subtils de l’école d’Arcésilas ; mais il y a souveraine injustice à lui imputer ce qu’il met dans la bouche de l’adversaire des dieux et à présenter comme un cri de détresse du rationalisme, comme un aveu de découragement, ce qui serait plutôt un cri de triomphe de l’épicurien Velleius, lorsque, après s’être attaché à mettre en contradiction Cléanthe avec lui-même, il s’écrie que ce Dieu tour à tour cherché dans le monde, dans l’éther, dans la raison, n’apparaît définitivement nulle part, nusquam prorsus appareat. C’est l’athée qui parle ainsi, et l’on croirait que c’est son adversaire quand on lit M. Ventura. On pourrait signaler d’autres preuves d’une certaine négligence de l’exactitude qui n’est pas de mise en de si graves sujets, et surtout quand on se pique de discuter pièces en main ; mais ces critiques finiraient par lasser, et nous ne ferons que résumer la conclusion de cette partie de l’ouvrage. D’une part il y avait dans le monde païen une raison religieuse bien supérieure à la raison philosophique. C’est comme témoins des cultes populaires que les grands écrivains ont conservé et professé le dogme de l’unité de Dieu, la foi dans la loi morale, dans le sacrifice, dans la vie à venir. Tous et toujours les peuples y ont cru ; ils n’ont jamais cru en plusieurs dieux ; les gentils ont connu le véritable. Et d’un autre côté, quoi qu’en aient dit plus d’un père de l’église, et saint Clément, et Lactance, et saint Augustin lui-même, les esprits supérieurs, les écrivains, les philosophes, ont méconnu ces vérités ; ils n’ont pas démêlé sous l’idolâtrie l’adoration d’un Dieu suprême, à travers la diversité des lois positives la persistance d’une loi invariable, au milieu des contes puérils du Tartare et de l’Achéron la croyance à une autre vie et à un jugement futur entre les bons et les méchans. Pythagore, Socrate, Platon, Cicéron lui-même, n’ont pas vu toutes ces choses ; ils ont corrompu le monde païen par leurs subtilités et par leurs doutes. Il n’est pas vrai que, comme l’a prétendu Bossuet, « les philosophes ont connu que le monde était régi par un Dieu bien différent de ceux que le vulgaire adorait ;… que cette belle philosophie… de quelque endroit qu’elle soit venue… commençait à réveiller le genre humain ; que les philosophes, qui ont dit de si belles choses sur la nature divine, n’ont osé s’opposer à l’erreur publique et ont désespéré de la vaincre ; qu’Athènes prenait pour athées ceux qui parlaient des choses intellectuelles ; qu’ils étaient bannis comme des impies ; que toute la terre était possédée de la même erreur. » Non, c’est la vérité qui régnait par toute la terre ; l’erreur était avec les sages. Cicéron était en particulier un athée, un matérialiste et un hypocrite, les philosophes des idiots, La philosophie