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ADELINE PROTAT.

peindra le caractère de cet enfant bizarre, né pour mener la paresseuse vie du lazzarone napolitain. Un jour qu’il s’était montré encore plus négligent que de coutume, Protat lui dit très gravement : — Va-t-en dans les Trembleaux couper un bâton de cornouiller, pour remplacer celui que je viens de te casser sur les épaules.

Zéphyr alla dans les Trembleaux, et rapporta six bâtons qui pouvaient passer pour des gourdins.

— Je ne t’en avais demandé qu’un, dit le sabotier, en voilà une demi-douzaine.

— C’est pour ne pas y retourner si souvent que j’en rapporte une provision, répondit tranquillement l’apprenti.

Adeline s’intéressa à Zéphyr, et essaya de le corriger de son incurable nonchalance. L’apprenti, rebelle aux durs accens de Protat, tenta de se montrer obéissant à la voix douce de cette jeune fille, qui tamponnait pour ainsi dire les gourmades paternelles avec des caresses.

Tels étaient les antécédens, utiles à connaître, des personnages que le peintre Lazare avait rencontrés dans l’intérieur du sabotier Protat, quand un hasard l’avait rendu pour la première fois l’hôte de celui-ci, deux ans avant l’époque où nous l’avons vu revenir à Montigny pour la troisième fois.

II. — querelles domestiques.

Nous reprendrons le récit de cette histoire à l’endroit où elle commence véritablement, c’est-à-dire à l’arrivée du peintre Lazare à Montigny, où nos lecteurs se rappelleront sans doute la bienveillante réception que s’était hâté de lui faire le sabotier Protat. On n’aura pas oublié non plus que la jeune Adeline n’avait pu dissimuler entièrement le trouble ingénu que lui causait le retour de l’artiste, bien que ce retour eût été annoncé plusieurs jours à l’avance et qu’elle eût eu le temps nécessaire pour se préparer une attitude réservée. La vieille mère Madelon elle-même, comme on l’a pu voir au commencement de ce récit, avait contribué au bon accueil que tout le monde faisait au jeune désigneux, en tâchant de se distinguer plus que jamais dans l’accomplissement de ses fonctions de cordon-bleu. Après être venue recevoir les complimens que lui méritait le triomphal déjeuner qu’elle avait préparé à l’appétit du voyageur, la bonne femme, on voudra bien se le rappeler encore, était retournée à ses fourneaux, emmenant avec elle sa jeune maîtresse pour qu’elle lui indiquât la façon de se servir d’une cafetière d’un nouveau modèle inaugurée le matin dans la maison à l’occasion du retour de leur hôte. Enfin, et pour derniers souvenirs qui relieront complètement dans l’esprit du lecteur les détails contenus dans le premier chapitre,