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livrés à eux-mêmes dans les pâturages et quelquefois assez loin des habitations. Il faut se rappeler que les Anglais ont détruit les loups dans leur île, qu’ils ont, par des lois terribles sur la police rurale, défendu la propriété contre les déprédations humaines, et qu’enfin ils ont eu soin de clore exactement tous leurs champs, pour comprendre cette sécurité générale. Ces belles haies apparaissent alors comme une défense utile aussi bien que comme une riche parure, et on s’étonne qu’il puisse être question de les supprimer.

La pratique du pâturage a, aux yeux du très grand nombre des cultivateurs anglais, plusieurs avantages ; elle épargne la main-d’œuvre, ce qui n’est pas pour eux une petite considération ; elle est favorable, ils le croient du moins, à la santé des herbivores ; elle permet de tirer parti de terrains qui ne seraient autrement que d’un faible produit et qui s’améliorent à la longue par le séjour du bétail ; elle fournit une nourriture toujours renaissante et dont la somme finit par être égale, sinon supérieure, à celle qui aurait été obtenue par la faux. En conséquence, ils attachent un grand prix à avoir dans chaque ferme une étendue suffisante de bonnes pâtures ; même dans les prés qu’ils fauchent, ils intercalent souvent une année de pâturage entre deux années de fenaison. Aussi, quand nos pâturages sont en général négligés, les leurs sont, au contraire, soignés admirablement, et quiconque a un peu étudié ce genre de culture, le plus attrayant de tous, sait quelle immense distance peut exister entre un pâturage inculte et sauvage et un pâturage cultivé.

On peut affirmer hardiment que les 8 millions d’hectares de prés anglais donnent trois fois autant de nourriture pour les animaux que nos à millions d’hectares de prés et nos 5 millions d’hectares de jachères. La preuve en est dans le prix vénal de ces différentes espèces de terrains. Les prés anglais se vendent en moyenne, qu’ils soient fauchés ou non, environ 4,000 fr. l’hectare ; on en trouve qui valent 10,000, 20,000 et jusqu’à 50,000 francs. Les bons herbages de la Normandie sont parmi nous les seuls qui puissent rivaliser avec quelques-uns de ces prix ; nos prés valent en moyenne les trois quarts environ de ce que valent les prés anglais, et quant à nos jachères, elles en sont à une grande distance. Nulle part l’art d’améliorer les prés et pacages, de les assainir par des conduits d’écoulement, de les fertiliser par des irrigations, par des engrais habilement appropriés, par des défoncemens, des épierremens, des terrassemens, des amendemens de toute sorte, d’y multiplier les plantes nutritives et d’en exclure les mauvaises, qui s’y propagent si facilement, n’a été poussé plus loin ; nulle part on ne regarde moins à la dépense de création et d’entretien quand on la considère comme utile. Ces soins intelligens, favorisés par le climat, ont produit de véritables merveilles.

Ensuite viennent les racines et les prairies artificielles. — Les racines