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deux sentimens qui commençaient à naître : le goût de la guerre et l’ambition des conquêtes, élémens nouveaux d’où, s’ils n’y prennent garde, peut sortir la ruine des États-Unis.

Le premier effet de l’impulsion nouvelle donnée à la politique américaine fut l’élection d’un président qui dut sa nomination à la part qu’il avait prise à l’expédition du Mexique, le général Taylor. Sa mort, arrivée durant sa présidence, a mis le pouvoir aux mains de M. Fillmore, qui s’est montré fort digne de sa situation inattendue. Modeste, prudent, honnête, M. Fillmore serait peut-être le meilleur candidat pour l’élection prochaine ; mais on pense généralement que ni lui ni M. Webster, l’éloquent orateur et whig comme M. Fillmore, ne seront nommés, et que les démocrates, qui remportent dans presque toutes les élections particulières des états, l’emporteront aussi dans l’élection présidentielle. Le courant de l’opinion les porte. On vient de voir que depuis Jefferson, ils ont eu presque constamment le pouvoir. Il devait en être ainsi, car ils représentent plus complètement que leurs adversaires les sentimens et les défauts de la majorité. Les whigs la modéraient, les démocrates la poussent. Le gouvernement des États-Unis est comme une locomotive lancée sur un chemin de fer : elle a commencé sa course avec une sage lenteur ; bientôt on a chauffé la fournaise, le mouvement s’est accéléré, on va maintenant à toute vapeur, et l’on fait rapidement beaucoup de chemin ; mais il arrive souvent dans ce pays que la chaudière fait explosion et que la locomotive saute en l’air. Avis aux Américains.

Depuis un certain nombre d’années, deux difficultés dominent toutes les autres : l’une est le maintien de l’union entre les états du nord et les états du sud, différens de caractère, opposés par les intérêts, surtout en ce qui concerne les questions de tarifs, parce que le sud est agricole et le nord industriel, séparés enfin par la terrible question de l’esclavage. L’autre difficulté, c’est de conjurer les dangers que peut faire naître l’extension démesurée vers laquelle l’esprit nouveau et la tentation de leur supériorité entraînent les États-Unis.

La première de ces difficultés, celle qui touche au maintien de l’Union, semble ajournée : le bon sens prévaut sur la passion, et la majorité se rallie aux mesures conciliatrices qu’on appelle le compromis.

La seconde est plus menaçante, surtout en ce qui concerne la Havane et le Mexique, et la situation intérieure de ces deux pays favorise encore les désirs ambitieux qu’ils excitent. Les inconvéniens d’un empire trop étendu sont évidens. Certainement la firme du gouvernement des États-Unis offre des garanties contre ces dangers,