Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/1150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à des scènes d’un autre ordre, nous ne croyons pas, malgré le bruit qui se fait autour d’elles, que ce soit pour nous un devoir de nous y arrêter et de les décrire. Bien qu’il soit possible peut-être, et en y regardant de fort près, d’y reconnaître quelque indice d’habileté matérielle, quelque promesse de talent énergique, elles sont à tous autres égards si peu conformes aux lois essentielles de l’art, que nous ne voulons pas contribuer, même par la juste sévérité de nos critiques, à leur donner une importance qu’en somme elles ne sauraient avoir.

En regard de l’école réaliste, ou plutôt côte à côte avec elle, — car le fond des tendances et le but sont à peu près les mêmes, — l’école fantaisiste continue à marcher dans la voie ouverte par M. Diaz et ses premiers imitateurs ; mais, à force de recourir à un genre de séductions bien souvent employées, elle commence à ne plus entraîner personne et en arrive déjà à n’étaler aux yeux de la foule, que des charmes douteux et une coquetterie surannée. Le nombre des sectaires de la fantaisie pittoresque, telle qu’on la comprenait naguère, est aujourd’hui assez restreint, et il faudrait voir dans ce fait un progrès du goût, s’il ne convenait surtout d’y observer l’excès du mouvement matérialiste de l’art. Sauf quelques guirlandes de figures enlacées, comme de coutume, dans une végétation confuse, sauf quelques odalisques et quelques nymphes obstinées, les sujets d’imagination pure qui figurent au salon trahissent une assez vive préoccupation des nouvelles doctrines naturistes. Voyez plutôt le tableau que M. Célestin Nanteuil a intitulé la Vigne. Au centre de la composition est assise une femme à demi nue, une bacchante si l’on veut, quoique l’extrême pauvreté de ses formes accuse l’étreinte habituelle des vêtemens modernes. Elle renverse la tête pour écouter l’Amour, dont deux figures placées au second plan semblent avoir déjà reçu les conseils, tandis que des paysans groupés dans un autre coin du tableau songent simplement à remplir et à vider leurs verres. Était-ce là toute la poésie du sujet, et suffisait-il, pour célébrer les bienfaits du vin, de raconter dans ce style l’action qu’il peut avoir sur les sens ? ne fallait-il pas exprimer à côté de l’influence physique l’influence plus noble exercée sur l’esprit, nous montrer la lyre à côté de l’amphore, la coupe plutôt que le gobelet, et se souvenir de l’ode antique au moins autant que des couplets de la chanson ? L’erreur de M. Nanteuil nous surprend d’autant plus, que ce talent, si incomplet qu’il soit sous le rapport du dessin, ne manque ordinairement ni de distinction ni de grâce. On n’a pas oublié un Rayon de Soleil exposé au salon de 1848 : nous en appelons du peintre de la Vigne à l’auteur de ce joli tableau.

Une allégorie traitée avec un goût plus délicat et dans un style beaucoup plus sérieux que la Vigne de M. Nanteuil est la Renaissance peinte par M. Landelle. Ce n’est pas que ce style ait une grande puissance, mais il atteste de studieux efforts et une recherche soigneuse de la correction. Rude tâche d’ailleurs que la tâche acceptée par l’artiste ! Personnifier l’art de Raphaël et de Jean Cousin, celui de Michel-Ange et de Jean Goujon, l’art de Bramante et de Pierre Lescot ; résumer dans l’expression et l’attitude d’une seule figure, les caractères si divers des chefs-d’œuvre créés au XVIe siècle par les maîtres de la peinture, de la statuaire, de l’architecture en Italie et en France ; en un mot, fondre dans l’unité de la composition une foule d’élémens complexes et