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que la statuaire répudie plus hautement encore que la peinture. Un groupe qu’il a intitulé délibérément le Coup de Hanche, comme pour mieux préciser le vrai sens et la portée de l’œuvre, représente deux athlètes aux prises, non pas tels qu’on se figure les lutteurs de la Grèce ou de Rome, mais tels que peuvent être des hommes de notre temps et de notre pays débarrassés de leurs vêtemens. Quel intérêt, même au point de vue de la plastique, peut exciter un pareil spectacle ? Il faudrait au moins que ces formes fussent belles et que rien n’accusât en elles l’altération. M. Ottin, en modelant son groupe de lutteurs, a fait preuve d’habileté matérielle et d’une certaine verve d’exécution, mais à quoi bon dépenser ainsi des qualités sérieuses dans une entreprise au moins inutile ? Quelques personnes accueilleront peut-être comme un progrès cette nouvelle usurpation du réalisme ; quiconque voudra se rendre compte des conditions de la statuaire ne pourra voir qu’une erreur dans la tentative de M. Ottin.

Depuis que M. Barye a introduit dans notre école un élément nouveau, ou plutôt un ordre d’art renouvelé des monumens de l’art antique, le nombre des sculpteurs d’animaux n’a cessé d’augmenter d’année en année. Aujourd’hui ce nombre est presque égal à celui des artistes voués à l’étude, de la figure humaine, et de même que l’on compte plus de talens parmi les paysagistes que parmi les peintres d’histoire, on compterait aussi plus de gens qui excellent à modeler des chevreuils, des chats ou des perdrix, que d’artistes capables de bien exécuter un buste ou une statue. L’exposition ouverte aux Menus-Plaisirs est riche, trop riche même, en quadrupèdes et en sujets de chasse, puisque, — depuis le Cheval à Montfaucon de M. Frémiet, étude vigoureuse d’ailleurs et largement traitée, jusqu’à l’Hallali de M. Rouillard, — on ne trouve pas moins de trente sculptures ou groupes d’animaux, sans parler d’une quantité raisonnable de tableaux inspirés par la contemplation des mêmes modèles. La plupart de ces morceaux ont, il faut l’avouer, de la vérité et de la finesse ; mais ce qui a pu tenter quelques talens doit-il devenir l’objet des études de tous ? Et notre école, au lieu de se souvenir surtout de Jean Goujon et de Puget, finira-t-elle par ne plus reconnaître d’autre chef que M. Barye ? On peut le craindre en voyant les développemens excessifs d’un genre au fond si secondaire. Dans la statuaire, comme ailleurs, le succès n’appartient plus guère qu’aux œuvres dépourvues d’idéal.

Au milieu de cet abaissement général de l’art contemporain, les graveurs en taille-douce se maintiennent avec une louable persévérance dans la voie qu’ont tracée les maîtres, et, par le choix des modèles comme par le caractère sérieux du travail, leurs ouvrages protestent ouvertement contre nos entraînemens et nos erreurs. Plusieurs pièces récemment publiées, et que l’on retrouve au salon, prouvent que, malgré la défaveur attachée maintenant aux œuvres du burin, l’école française de gravure est en tous points digne de son passé. Nous ne reviendrons pas sur l’examen de ces diverses planches dont nous avons ici même essayé d’analyser le mérite ; mais il n’est pas permis de passer sous silence quelques ouvrages distingués qui apparaissent pour la première fois, de ne pas mentionner au moins le Sommeil de Jésus, d’après Raphaël, par M. Martinet, le Portrait de l’Impératrice finement gravé par M. Pollet d’après M. Vidal, l’Heureuse Mère, par M. Jules François, d’après