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suivant sans cesse, leur adressait des questions, pour s’assurer qu’ils ne répétaient pas machinalement, et les encourageait fréquemment d’un yes, sir ; wel, sir. Le mérite des réponses est exprimé en chiffres d’après un système de numération convenu, et ce chiffre est affiché toutes les semaines auprès du nom de chaque élève ; on indique également les matières traitées dans les leçons. Une telle disposition permet d’embrasser d’un coup d’œil le travail des maîtres et des élèves ; ce bulletin des études est conservé dans l’établissement. Il y a aussi une manière de chiffrer les fautes de conduite, et quand l’élève a atteint sur l’échelle fatale un certain numéro, il cesse de faire partie de l’école. En tout règne, une précision mathématique qui est dans le génie américain, et ne saurait être mieux appliquée qu’à l’organisation d’une école militaire, destinée surtout à l’enseignement des sciences exactes.

Il n’y a qu’une voix sur les bienfaits de cette école. Tout le monde s’accorde à dire que les officiers sortis de West-Point ont maintenu un niveau élevé dans l’armée américaine, et ont été l’âme de la campagne contre le Mexique. Bien que la profession militaire soit la carrière naturelle des élèves de West-Point, un grand nombre se vouent à leur sortie, ou au bout de quelques années, à la vie civile. Sur la liste qui a été publiée des diverses professions embrassées par les élèves, j’ai remarqué des ingénieurs civils, des négociant, des cultivateurs, des magistrats, des hommes d’église et même un évêque. Plusieurs des professeurs sont des savans distingués. On connaît en Europe les travaux de M. Bailey sur les animalcules microscopiques. Il a ajouté à ce monde des infiniment petits, que M. Ehrenberg a découvert, les débris d’atomes animés, dont on compte dans un pouce cube plusieurs millions, et qui ont formé des montagnes.

Le soir, j’ai rencontré réunis chez M. Bartlett, professeur de physique, plusieurs professeurs et quelques élèves. L’un de ceux-ci, en m’entendant nommer, a demandé si j’étais l’auteur des découvertes sur l’électro-magnétisme. J’ai retrouvé dans les deux mondes le souvenir de mon père. Je me sens moins isolé en voyage, parce que je rencontre en tout pays la protection de cette chère mémoire. Le reste de la soirée s’est passé chez le professeur de dessin de l’école, M. Weir, auteur de peintures qui décorent le Capitole de Washington. M. Weir peint aussi le portrait et le paysage, suivant l’usage américain, qui veut qu’en tout genre chacun fasse un peu toute chose. En rentrant à l’hôtel, j’ai trouvé la porte ouverte et tout le monde couché. La clé de ma chambre était elle-même sous clé. J’ai fait un vacarme épouvantable sans réveiller personne. Enfin je suis parvenu à découvrir un domestique auquel j’ai demandé ma clé. Il m’a renvoyé à un petit garçon qui voulait me persuader de faire lever le grand domestique ; mais, ne me souciant pas d’aller ainsi de