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infinité de mariages religieux qui n’avaient point d’effets civils. Si le sort de la femme mariée civilement, et que son mari refuse de conduire à l’église, est digne de pitié, comme le dit M. Sauzet dans des pages un peu élégiaques pour une semblable matière, n’est-il point aussi étrange que des enfans, par exemple, puissent être privés des bénéfices civils du mariage pourtant légitime et indissoluble de leurs parens ? Ce que nous disons ici, au surplus, n’est nullement pour critiquer une législation qui peut, sans nul doute, avoir sa valeur à Naples, et qui est, dans tous les cas, un honorable essai de conciliation ; c’est seulement pour montrer quelles difficultés peuvent découler de ces confusions de juridictions. Le souverain mérite de la législation française, c’est d’avoir tranché les difficultés en proclamant, non pas, comme on le dit, l’hostilité du pouvoir civil et du pouvoir religieux, mais leur indépendance. Qu’en est-il résulté. L’état de paix qui règne depuis un demi-siècle. Il n’est point de pays peut-être où, tout considéré, une législation fonctionne plus aisément, et où il se soit établi plus de régularité dans la manière dont s’accomplissent les mariages. Est-ce donc le moment de réveiller ces questions redoutables qui remettent aux prises les deux droits en confondant de nouveau leurs domaines, aujourd’hui distincte ? Là où le mariage religieux existe seul, rien n’est plus prudent et plus sage que de le respecter, ou du moins de n’agir qu’avec des ménagemens infinis et par voie de bonne intelligence avec l’autorité religieuse. Il y a la même prudence et la même sagesse à ne point soulever ces questions là où elles n’existent plus. Quant à l’église, nous doutons qu’elle trouvât un grand avantage dans cette transformation de notre droit civil. Elle y perdrait certainement de sa liberté et de son indépendance, et peut-être risquerait-elle de voir disparaître dans des réactions nouvelles les fruits des retours qui s’opèrent de notre temps dans les âmes vers les idées religieuses et morales. M. Sauzet et M. de Vatimesnil n’ont peut-être pas été assez heureux dans l’appui qu’ils ont prêté à leurs causes respectives dans l’ordre politique pour que l’église se fie absolument à leur direction.

C’est un des caractères du moment où nous vivons. De telles questions peuvent se produire dans les livres, dans les brochures, dans la presse ; elles sont parfois dans l’air sans qu’on sache d’où elles viennent ; elles ne s’agitent point dans les corps délibérans, dont le rôle est strictement tracé et se maintient dans les limites des travaux qui leur sont soumis. Le corps législatif est depuis bientôt deux mois à l’œuvre. On ne peut dire cependant que la session ait été jusqu’ici très laborieuse ; les discussions sont en petit nombre, les projets abondent peu, et comme l’initiative individuelle ne vient plus remplir et animer les intervalles, il s’ensuit un certain calme habituel qui n’est guère propre à attirer l’attention publique. Hier encore, le corps législatif était absorbé par la fête qu’il donnait à l’empereur et à l’impératrice, suivant l’exemple du sénat. Aujourd’hui voici la plus grave affaire de la session, le budget de 1854. Le projet de budget a été en effet présenté au corps législatif ces derniers jours, et son principal intérêt réside dans un fait saillant annoncé depuis quelque temps déjà, — l’équilibre entre les recettes et les dépenses. Les recettes sont évaluées à 1,520,630,572 francs, et les dépenses s’élèvent à 1,519,250,942 francs. Il y aurait donc un excédant de 1,388,630, si rien