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fois repoussée, revient-elle cinq fois à la charge. Après avoir vu tomber 28 capitaines à côté de plus de 1,000 soldats, le duc d’Anjou fait sonner la retraite et s’avoue vaincu une septième fois.

Ce dernier insuccès avait terrifié l’armée royale. Plusieurs jours se passent à réveiller l’énergie des soldats. Enfin un huitième assaut est décidé, et, pour en assurer le succès, on adopte le plan du duc de Nevers, qui veut user à la fois de ruse et de force. Pendant toute la nuit du 12 juin, de fausses attaques tiennent la garnison sur pied, toutes les batteries tonnent et foudroient la ville. À l’aube, le feu se ralentit, s’éteint peu à peu et tout semble rentrer dans le repos. Les assiégés, trompés par ce calme menteur, vont se reposer, ne laissant aux murailles qu’une faible garde, qui elle-même succombe à la fatigue et s’endort. Alors s’ébranle l’élite de l’armée assiégeante. Guise se dirige vers le bastion de l’Evangile, Henri de Navarre vers celui de la Vieille-Fontaine. Des échelles sont dressées en silence contre les murs de ce dernier ; elles sont gravies, et déjà les royalistes se groupent dans le chemin de ronde, lorsqu’un cri de triomphe prématuré réveille un poste de Rochelais. Aussitôt, ceux-ci s’élancent sur les assaillans, tuent tous ceux qui ont gravi le rempart et renversent les échelles au moment même où Strozzi et le duc de Longueville y mettaient le pied. De son côté. Guise, avait enfin escaladé la brèche, il était entré dans le bastion de l’Evangile ; mais là il découvre un nouveau fossé, un nouveau rempart élevé à l’intérieur pendant le siège, et, à l’aspect de ces obstacles imprévus, ses soldats épouvantés jettent leurs armes et fuient sans même essayer de combattre.

Cette fois La Rochelle était sauvée. Tant d’échecs successifs avaient porté à son comble la démoralisation de l’année royale. Des maladies s’étaient déclarées dans le camp et décimaient les soldats. Les plus fermes capitaines étaient découragés. Le duc d’Anjou, qui venait d’être élu roi de Pologne, qui avait dans son camp les ambassadeurs chargés de l’amener dans ses nouveaux états, désirait un accommodement qui sauvât au moins les apparences et lui permit de s’éloigner. Catherine tremblait pour la vie et la gloire de son fils préféré. Des négociations sérieuses s’ouvrirent, et comme premier gage de bonne foi, les Rochelais obtinrent que les assiégeans détruiraient tous leurs travaux d’attaque. Enfin Charles IX signa l’édit de pacification. Les Rochelais avaient conquis la liberté de conscience non-seulement pour eux, mais encore pour tous leurs coreligionnaires du royaume. Malheureusement cette paix fut aussi boiteuse que les précédentes. Les hostilités recommencèrent bientôt. Suspendues tant que régna Henri IV, elles se réveillèrent presque aussitôt après le crime de Ravaillac. La construction du Fort-Louis, qui dominait et battait la ville, devint pour les Rochelais une cause incessante d’inquiétude et d’irritation. Chaque nouveau traité avait beau renfermer