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et des autres animaux fixés. Avec les espèces herbivores, avec celles qui vivent sur place à la façon des plantes, s’éloignent toutes les espèces carnassières qui vivent à leurs dépens. Si le calcaire est en outre formé de couches fendillées que les vagues brisent aisément, les causes précédentes exercent une action bien plus énergique, et de plus les animaux qui se cachent dans les fentes du rocher ou qui leur confient leurs œufs manquent de retraites sûres et diminuent à leur tour. Enfin si ces couches forment des plans inclinés vers la mer, les sources de toute la contrée suivent ces espèces de lits, viennent de bien loin sourdre en nappes sur le rivage, diminuent la salure des eaux qui baignent la côte et en chassent toutes les espèces les plus franchement marines. On voit que la richesse et la composition des faunes littorales dépendent de la nature minéralogique et de la structure géologique du continent. C’est là un de ces mille exemples qui nous montrent comment le règne minéral exerce une influence parfois considérable sur les deux autres, comment les êtres organisés et vivans peuvent être placés sous la dépendance des corps bruts, comment tout se lient et s’enchaîne dans l’admirable ensemble qu’étudient les naturalistes.

Toutes ces causes de dépopulation, je les voyais réunies aux environs de La Rochelle. Partout le calcaire oolitique me montrait ses assises peu épaisses, fissurées en tous sens et taillées à pic par la vague. Au pied de ces falaises s’étendaient des plateaux de la même roche formés d’ordinaire de larges gradins inclinés. Aussi, jusque sur les points les plus favorablement disposés, je trouvais une plante marine que sa couleur et la largeur de ses feuilles plissées ont fait comparer à nos laitues, et qui ne vient que dans les eaux à demi saumâtres. Jusqu’aux zones de la plus basse mer, cette ulve de mauvais augure formait de vastes plates-bandes, où des fucus tondus de près par les riverains figuraient assez bien des chicorées mal venues. Enfin un dernier signe non moins redoutable que les précédens achevait de me faire trembler pour les résultats du voyage. Depuis longtemps, j’avais reconnu qu’il n’y a rien à trouver dans la vase pure. Aussi nuisible aux œufs qu’aux individus adultes, elle étouffe les premiers en empêchant l’oxygène d’arriver jusqu’aux germes ; elle ne peut être habitée par les seconds, qui ont besoin d’un terrain assez résistant pour soutenir leurs galeries. Or à La Rochelle la vase envahit tout. Dans le port, dans la baie, à peine les écluses de chasse peuvent-elles conserver au chenal la profondeur qu’exigent les grands navires de commerce. En dehors de ce canal artificiel, partout un lit de vase noire ou jaunâtre s’étend depuis les zones les plus élevées jusque bien au-dessous des limites des plus fortes marées. Jusque sur certains plateaux découverts où la vague semble devoir tout balayer, la vase