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suite de cette émotion. Au bout d’un certain temps, on voulut retirer le corps de la tombe pour lui enfoncer un pieu dans le ventre : on croyait qu’il avait dû être un vampire, et que les femmes malades se guériraient par l’emploi de ce remède domestique, d’une efficacité généralement reconnue ; mais lorsqu’on ouvrit le tombeau, il était vide.

Quant à Mars, l’ancien dieu de la guerre, je serais assez disposé à croire qu’au temps de la féodalité il aura poursuivi ses anciennes habitudes en qualité de chevalier-brigand. Le long Westphalien Schimme’penning, neveu du bourreau de Munster, le rencontra à Bologne comme maître des hautes œuvres. Quelque temps après, Mars servit sous les ordres du général Frondsberg comme lansquenet, et il assista à la prise de Rome. À coup sûr il dut y ressentir de cruels chagrins en voyant détruire si ignominieusement sa ville chérie et les temples où il avait été adoré lui-même, ainsi que les temples des dieux ses cousins.

Le sort de Bacchus, le beau Dionysos, après la grande déconfiture, a été plus heureux que celui de Mars et d’Apollon, voici ce que raconte à ce sujet la légende du moyen âge avec sa liberté ordinaire : — Dans le Tyrol, il y a des lacs très étendus, environnés de forêts dont les arbres s’élèvent jusqu’au ciel et se reflètent avec magnificence dans les flots azurés. Des bruits si mystérieux sortent des eaux et des bois, qu’on est étrangement ému lorsqu’on se promène seul dans ces lieux. Sur le bord d’un de ces lacs se trouvait la cabane d’un jeune homme qui vivait du produit de la pêche et qui exerçait en outre le métier de batelier, lorsqu’un voyageur voulait traverser le lac. Il avait une grande barque amarrée à un vieux tronc d’arbre, non loin de sa demeure. Un jour, au temps de l’équinoxe d’automne, il entendit, vers minuit, frapper à sa fenêtre. Quand il eut franchi le seuil de sa porte, il aperçut trois moines qui avaient le capuchon rabattu sur la tête et qui paraissaient être très pressés. L’un d’eux le pria en toute hâte de leur prêter sa barque, et lui promit de la lui ramener au bout de quelques heures au même endroit. Les moines étaient à trois ; le pêcheur, qui, en de telles circonstances, ne pouvait guère hésiter, démarra sa barque, et lorsque les trois voyageurs qui y étaient montés voguèrent sur le lac, il rentra dans sa cabane, où il se recoucha. Jeune comme il était, il ne tarda pas à se rendormir ; mais quelques heures après il fut réveillé par les moines, qui étaient de retour. Quand il les eut rejoints, l’un d’eux lui mit dans la main une pièce d’argent pour lui payer la traversée, ensuite tous les trois s’éloignèrent en toute hâte. Le pêcheur alla visiter sa barque, qu’il trouva solidement amarrée, et il se secoua fortement, comme on fait en hiver, pour se réchauffer les mem-