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commerciales, comme le beau portrait de M. Bertin, que nous oui laissé dans cet ordre d’art les quarante années qui viennent de s’écouler ? L’aqua-tinte et la lithographie sont devenues les modes de reproduction ordinaires d’un portrait, et l’image même du chef actuel de l’état est popularisée par ces procédés secondaires. Là comme ailleurs, l’industrie a envahi le domaine de l’art ; le crayon, l’aqua-tinte et le daguerréotype ont usurpé le rôle du burin ; partout où ce rôle était le plus légitime et consacré par les plus longs succès, il semble qu’on ait pris à tâche d’en méconnaître l’opportunité et l’importance. On le réduit en attendant qu’on le supprime, et tandis que quelques rares graveurs persévèrent, loin des applaudissemens, dans la voie qu’ont tracée les maîtres, les dessinateurs lithographes de l’école de M. Grévedon, la foule des disciples de M. Jazet et les disciples plus nombreux encore de M. Daguerre élargissent de jour en jour la route facile où ils marchent sous nos regards indulgens et en s’enhardissant de notre tolérance.


II. – GRAVURE A L’AQUA-TINTE, GRAVURE SUR BOIS ET EN FAC-SIMILE. - PHOTOGRAPHIE.

Dans les procédés de l’aqua-tinte, la part laissée à la volonté et au talent est assurément beaucoup plus grande que dans les nouveaux procédés mécaniques. Ce mode de gravure, quoique très inférieur à la gravure eu taille-douce, n’est pas du moins en opposition formelle avec les conditions de l’art, et, quelle que soit son insuffisance à bien des égards, il offre en soi des ressources qu’il serait injuste de dédaigner ; aussi n’est-ce pas contre l’aqua-tinte elle-même, mais contre l’usage qui en est fait qu’on a le droit de s’élever. Il y a un peu moins de quarante ans, lorsque, à l’exemple des graveurs anglais, quelques graveurs de notre pays essayèrent d’appliquer l’aqua-tinte à la reproduction des tableaux, ils se gardèrent bien de choisir leurs modèles ailleurs que dans un ordre de peinture secondaire et qui autorisait parfaitement l’emploi de ce moyen assez superficiel. Des scènes familières, des épisodes de l’histoire contemporaine, retracés le plus habituellement par le pinceau rapide de M. Horace Vernet, furent pendant plusieurs années les seuls sujets qu’ils osassent aborder, et les compositions plus graves ou plus laborieusement étudiées demeurèrent l’objet particulier des travaux du burin. Peu à peu les scrupules diminuèrent, la ligne de démarcation s’effaça. On tenta quelques incursions sur le terrain qu’on avait d’abord respecté, et, d’empiétemens en empiétemens, la gravure à l’aqua-tinte a fini par s’installer partout au lieu et place de la gravure en taille-douce. Histoire, portrait, figures de fantaisie ou de haut style, tous les genres indistinctement sont traités aujourd’hui par les graveurs à l’aqua-tinte avec une activité tout industrielle, au grand avantage du commerce sans doute, mais aussi au détriment de l’art sérieux et du goût. On peut dire sans exagération qu’il y a entre la gravure en taille-douce et la gravure à l’aqua-tinte, telles qu’elles sont maintenant pratiquées l’une et l’autre, à peu près la même différence qu’entre l’art du statuaire et le métier du mouleur : au lieu de l’interprétation délicate, de l’imitation châtiée d’un modèle, on ne nous donne qu’une empreinte surprise à la hâte, incomplètement fidèle et ne reproduisant que les formes générales. À force de