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Cass et M. Douglas de l’Illinois, deux candidats qui ont eu des chances à la dernière élection présidentielle, agitent l’opinion aux États-Unis depuis tantôt trois mois.

Les Américains d’ailleurs ne se dissimulent pas à eux-mêmes la faiblesse de leur argument, et ils ne prennent pas la peine de la dissimuler aux autres. Ce n’est qu’un prétexte, soit, mais il faut en tirer parti contre l’Angleterre ; tout est bon contre elle. Le 9 mars dernier, dans l’une des dernières séances du sénat, M. Douglas, à la fin d’un long discours rempli de violences plus que de bonnes raisons, s’écriait : « Je ne partage pas les sentimens de M. Clayton lorsqu’il nous dit que nous devons éviter toute difficulté avec une puissance aussi amie des États-Unis que l’est l’Angleterre. L’Angleterre n’est pas notre amie. Il y a trop de choses dans notre passé à tous deux pour que nous puissions être amis. Nous avons abaissé son orgueil, nous avons humilié sa vanité. Si ce n’eût été nous, qui l’eût empêchée d’arriver à la position où elle aspire, de maîtresse du monde ? Elle n’a pas de sentimens d’amitié pour nous, et nous n’en avons pour elle aucun de ce genre. (Applaudissemens prolongés. La majorité dans le sénat appartient aujourd’hui au parti démocratique.) Elle nous jalouse, et la jalousie exclut l’amitié. Pourquoi donc parler des tendres sentimens qui doivent unir la mère à la fille ? Les querelles de famille sont les plus cruelles et celles qui durent le plus longtemps. Elle est jalouse des États-Unis. Quelle autre raison donner que sa jalousie des fortifications qu’elle élève tout autour de notre littoral ? Pourquoi s’empare-t-elle du rocher le plus stérile, pourvu qu’elle y puisse monter un canon ? Pourquoi garde-t-elle Gibraltar et le cap de Bonne-Espérance, si ce n’est pour dominer notre commerce ? Pourquoi garde-t-elle les Bermudes et les Bahamas, si ce n’est pour en faire des sentinelles dont l’œil est toujours ouvert sur les États-Unis ? Je désire ne flatter aucun sentiment d’inimitié, mais je ne puis regarder l’Angleterre que comme une puissante rivale à qui nous devons de la bonne foi, mais de qui nous devons nous faire payer de retour. »

Cependant cette discussion si vive a fini par s’éteindre d’elle-même, et après les explications données au nom du parti whig par un de ses membres les plus distingués, on peut regarder les résolutions proposées par le général Cass comme définitivement écartées. On doit s’attendre néanmoins tous les jours à voir renaître cette querelle, et ce qui se passe sur la côte du Honduras, où l’Angleterre est encore occupée à faire reconnaître quelques droits du roi des Mosquitos, lui donnera prochainement sans doute un intérêt nouveau.