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Laisse ton cœur s’ouvrir au coucher du soleil,
Et de ce grand spectacle emporte un bon conseil.

LE POÈTE


La nature m’invite à sa douce tristesse :
La résignation fait toute sa sagesse ;
Obéir sans révolte à de sinistres lois,
C’est le morne conseil, ami, que j’en reçois.

LE PATRE


Non, la voix du désert, qu’il pleure ou qu’il sourie,
Ne t’a pas conseillé l’inerte rêverie !
La nature m’enseigne, en ses chères leçons,
La vie et le travail égayé de chansons.

LE POÈTE


Écoute, dans ces bois déjà pleins de ténèbres,
Du zéphyr qui s’endort les murmures funèbres !

LE PATRE


J’entends plus près de nous, sur le frêne voisin,
Siffler le joyeux merle enivré de raisin.

LE POÈTE


Écoute ce torrent : quelle douleur profonde
Exhalent à nos pieds les soupirs de son onde !

LE PATRE


J’entends sur les cailloux le bruit clair du ruisseau,
Du ruisseau qui gazouille aussi gai que l’oiseau ;
Chacun se réjouit d’en habiter la rive ;
Car l’eau donne à ses bords une voix toujours vive.
Mais toi, pâle étranger, si triste en l’écoutant,
Explique en sa chanson ce que ton âme entend ?

LE POÈTE


Voici ce que nous dit la voix, proche ou lointaine,
Qui coule avec les eaux, torrent, fleuve et fontaine.