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sans que le pouvoir déplaçât une escouade de sergens de ville, et pendant que l’incendie de l’archevêché éclairait les joies d’un sinistre carnaval, une pièce officielle annonçait au public qu’un mandat de comparution était décerné contre le prélat dont on avait laissé saccager la demeure ! Provocateur et complice de pompes glacées, le pouvoir avait laissé chasser Dieu du temple qu’il prétendait consacrer à toutes les grandeurs humaines ; puis, empruntant au paganisme ses chants et ses souvenirs, il avait refusé de mettre les morts dont il prétendait consacrer la mémoire sous la garde de celui qui a dit : Je suis la résurrection et la vie. Ainsi les mêmes hommes qui défendaient avec un admirable courage l’ordre social contre le génie révolutionnaire lui livraient sans défense tout ce monde intérieur de la conscience et de la pensée dans les profondeurs duquel couvent les tempêtes et se préparent les révolutions !

Au sein de la chambre élective, les partis, si profondément divisés sur les questions politiques, semblaient s’entendre pour humilier le clergé, lui refuser sa part de liberté, et le placer en dehors du droit commun sous une suspicion permanente d’incapacité et d’incivisme. S’agissait-il d’élections, les ministres du culte étaient repoussés tout d’une voix des catégories de capacité ; le dernier sous-lieutenant en retraite se voyait attribuer des droits qui leur étaient refusés, et dans cette chasse au prêtre, le parti conservateur était loin de se laisser distancer par le parti révolutionnaire. L’opinion gouvernementale faisait avec les adversaires du pouvoir assaut d’empressement pour introduire le divorce dans la législation civile et supprimer de l’institution de la famille la dernière empreinte de l’esprit chrétien. Emanée chaque année des chefs de l’opposition, cette motion était accueillit par les chaleureuses sympathies de la majorité, et ne rencontrait jamais devant elle que les courageuses résistances de la chambre des pairs.

Mais c’était surtout en matière d’éducation que les préjugés étaient tenaces et les erreurs lamentables. En souvenir des poursuites exercées par la restauration contre l’École normale, la charte de 1830 avait proclamé la liberté de l’enseignement sans bien comprendre la portée de ce grand principe, sans soupçonner l’usage qui pouvait en être fait. Éclairés sur la vanité d’une protection qui leur avait été si funeste, sachant fort bien d’ailleurs qu’ils n’avaient plus à l’attendre du pouvoir, les catholiques s’étaient abrités sous l’article 69 de la charte, et l’invoquaient avec une loyauté qui était entière pour tout le monde, y compris ceux-là même qui calomnient aujourd’hui leur sincérité d’alors. Les familles croyantes voulaient qu’à côté de renseignement patroné et salarié par l’état, il leur fût loisible de trouver un autre enseignement accessible à toutes les fortunes et accepté