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conduites avec hésitation, les affaires d’Espagne furent en définitive terminées dans un sens tellement favorable à l’influence française, que les deux intérêts politique et dynastique se trouvèrent triompher à la fois, et l’un par l’autre. Le gouvernement représentatif fut fondé à Madrid sans que l’œuvre de Louis XIV courût risque d’y périr. La politique qui, au-delà des Alpes, avait abouti aux réformes de Pie IX, aboutissait, au-delà des Pyrénées, aux mariages espagnols : partout l’imprévu venait en aide à la fortune de cette monarchie à laquelle l’avenir gardait un si soudain et si terrible retour !

La pensée politique de la monarchie de 1830 avait ainsi raison de la diplomatie continentale en même temps que du génie révolutionnaire, en Espagne et en Portugal comme en Belgique. En Italie, elle était sur le point d’être acceptée spontanément par les gouvernemens nationaux, qui allaient légitimer l’œuvre des factions en la prenant à leur propre compte. En Suisse, le même esprit tentait une conciliation malheureusement impossible entre les souverainetés cantonales et le principe fédéral, et favorisait la réforme du pacte pour prévenir sa rupture. Il prévalait enfin, à l’autre extrémité de l’Europe, dans l’organisation libérale donnée à la Grèce. La France se trouvait, sans efforts, sans violence, et par le seul effet de ses tendances naturelles, représenter partout ce double principe de la liberté conciliée avec la monarchie, et du respect des nationalités tempéré par le respect des traités. Avant que le ministère du 11 octobre quittât les affaires, on pouvait considérer comme résolu ce problème posé au lendemain des journées de juillet, et qui consistait à mettre la paix du monde en équilibre sur une révolution.

C’est surtout dans ses relations avec l’Europe que l’action de la monarchie de 1830 a été généralement heureuse et qu’elle a produit ses principaux résultats. Tout opposée que soit cette assertion à l’opinion universellement admise, nous la tenons pour incontestable. Le point où sa politique a été le plus constamment attaquée était celui par lequel elle se trouvait au fond le moins vulnérable, tandis que son système intérieur, considéré dans l’ensemble de ses lois imprévoyantes et de ses institutions artificielles, aurait pu donner lieu aux objections les plus fondées et aux plus légitimes appréhensions pour l’avenir.

Du jour où la paix du monde était garantie, les partis subversifs se trouvaient désarmés ; il ne leur restait plus que deux ressources : la dissimulation systématique et les attentats isolés ; encore ceux-ci étaient-ils plutôt un moyen de satisfaire leurs haines que de servir leurs idées. L’opinion républicaine n’arma pas sans doute contre la personne du roi Louis-Philippe le bras de dix assassins, mais elle réchauffa au foyer de ses fureurs leur monomanie sanglante, et se