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trouva solidaire de leurs crimes, quelque sincérité qu’elle pût mettre à les désavouer. Les lois de septembre 1835, sorties comme une irrésistible protestation du sang versé par Fieschi, vinrent mettre le sceau à cette situation nouvelle ; elles consommèrent le désarmement des partis en les contraignant de remettre en quelque sorte leurs armes aux mains de la puissance publique. Toutefois des périls d’un ordre bien différent allaient sortir de cette sécurité garantie par une législation plus fortement répressive. À peine les adversaires de l’établissement de 1830 furent-ils dans l’impuissance de l’attaquer, qu’on put voir trop clairement que les plus beaux jours de cette monarchie avaient été pour elle ceux de la lutte, et que Dieu lui avait donné mission de sauver la société par le combat plutôt que de l’organiser par le génie.

Les lois contre les crieurs publics, les lois contre les associations, avaient eu des résultats immédiatement favorables, et n’avaient amené aucun inconvénient pour l’avenir, parce que ces lois, tout en pourvoyant aux besoins de l’ordre matériel et en protégeant le gouvernement contre les agressions des partis, maintenaient pourtant à ceux-ci une certaine vie toujours active et menaçante, et n’allaient pas jusqu’à les décomposer dans leurs élémens mêmes. Or cette lutte incessante contre des adversaires vaincus, mais non désarmés, était le meilleur stimulant pour resserrer les intérêts autour du pouvoir et pour inspirer à celui-ci ce respect de ses devoirs, cette vigilance constante, qui suffirent durant les six premières années pour amortir les rivalités individuelles et pour contrebalancer les préoccupations égoïstes dans ces régions supérieures où la sécurité politique allait bientôt provoquer de si honteux déchiremens. Se diviser en face de l’ennemi, c’est forfaire à l’honneur ; se diviser en pleine paix, lorsque la pensée des périls publics ne vient plus faire équilibre aux antipathies personnelles, c’est ce qui se nomme trop souvent souci de sa propre dignité, respect de sa situation et de son importance parlementaire. Durant six années, les questions d’hommes avaient été subordonnées aux questions de choses ; de ce jour-là, elles devinrent la partie principale, pour ne pas dire exclusive, de la politique, et quelque bon vouloir qu’on y mette, il semble impossible de ne pas rattacher cette transformation presque subite à la tranquillité même produite par la législation de septembre, et de n’y point trouver une conséquence des allures nouvelles imprimées à l’opposition.

Ce n’est pas nous qui contesterons jamais à un gouvernement, quelle que puisse être ou son origine ou sa forme, le devoir de protéger contre d’insolentes attaques ce qui est digne de tous les respects ; nous ne dénions pas davantage aux divers pouvoirs le droit de mettre leur propre principe en dehors de toute discussion ; nous reconnaissons