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point à m’endormir d’un sommeil si profond, qu’il était trois heures de l’après-midi quand je m’éveillai. Le lendemain, nous entrions dans le port intérieur de Macao.


III

Nous étions à peine établis dans notre nouveau poste, qu’une alerte très vive vint donner un étrange caractère d’opportunité à l’arrivée de la Bayonnaise sous les quais de Macao. Les autorités portugaises furent prévenues qu’un soulèvement devait avoir lieu, cette nuit même, dans la ville, et que les soldats chinois profiteraient de cette circonstance pour tenter d’enlever une des portes de l’enceinte. Toutes les troupes qui n’étaient point détachées dans les forts prirent à l’instant les armes. Des canons furent braqués sur les principales issues du bazar, et l’équipage de la Bayonnaise se rangea sur le quai, prêt à se porter partout où son assistance serait jugée nécessaire. L’alarme avait été donnée sans fondement, ou peut-être cette démonstration énergique eut-elle pour effet de décourager les conspirateurs. Après avoir passé quelques heures l’arme au pied, nos marins durent rentrer fort désappointés à bord de la corvette. La reconnaissance du conseil voulut leur tenir compte de leurs bonnes intentions, et je reçus à cette occasion des remerciemens que je m’empressai de leur transmettre. Cette alerte ne fut pas la dernière, plus d’une fois nous nous crûmes à la veille d’entrer en campagne contre les troupes de Séou ; mais il était écrit que nous n’emporterions de notre longue station que de pacifiques trophées. Un renfort de troupes, que le gouvernement de Goa s’était empressé d’expédier sur un des paquebots anglais au prix de quelques milliers de piastres, se trouva frustré, comme nous, de ses espérances de gloire. Quand ces nouveaux champions de la cause portugaise débarquèrent sur la Praya Grande, tambours et clairons en tête, l’heure du péril était déjà passée pour Macao.

Le vice-roi de Canton n’avait plus qu’une pensée, celle d’étouffer par tous les moyens possibles une malencontreuse affaire. Malheureusement les efforts de Séou, pour atteindre ce but, ne faisaient que trahir, aux yeux des juges les moins prévenus, l’inquiétude qu’il éprouvait de voir apparaître au grand jour la complicité morale dont il se sentait intérieurement coupable. Le 16 septembre, il annonça au conseil la découverte et l’envoi à Macao des restes mortels du gouverneur, l’arrestation et l’exécution d’un des assassins. Ce meurtrier, le vice-roi avait voulu l’interroger lui-même ; il lui avait arraché l’aveu de son crime, et, rempli d’indignation, il avait ordonné qu’on le conduisit sur-le-champ au supplice. Le mandarin de Caza-