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Si Boston fut témoin des premiers combats livrés pour l’indépendance, c’est à Philadelphie que s’assembla le premier congrès, un an avant que la lutte armée n’éclatât, ce congrès qui faisait dire à lord Chatham : « Quelque admiration que m’inspirent les états libres de l’antiquité, je suis forcé de reconnaître que, pour la solidité du raisonnement, la pénétration de l’esprit, la sagesse de la conduite, l’assemblée américaine ne le cède à aucune de celles dont les hommes ont gardé la mémoire ; » ce congrès, dans lequel Christophe Gadsden répondait en Romain à ceux qui exprimaient la crainte que les Anglais pussent facilement détruire toutes les villes maritimes de l’Amérique septentrionale : « Monsieur le président, nos villes maritimes sont faites de bois et de briques. Si elles sont détruites, nous avons de l’argile et des forêts pour les rebâtir ; mais si les libertés de notre pays sont anéanties, où trouverons-nous des matériaux pour les refaire ? » C’est à Philadelphie que s’assembla aussi le second congrès, celui qui choisit Washington pour commandant en chef et proclama l’indépendance. On montre encore aujourd’hui la salle où se lit cette déclaration et le texte original de ce glorieux manifeste, signé par les fondateurs de la liberté américaine. C’est ici que John Adams, homme du nord, proposa chevaleresquement pour le commandement suprême le Virginien Washington, tandis que l’ambitieux général cherchait à s’échapper par un couloir.

Dans le lieu qui rappelle un si grand événement, on ne peut se défendre d’un retour sur les causes qui l’ont amené. L’affranchissement des colonies anglaises d’Amérique ne fut pas, à vrai dire, une révolution. Ce fut une séparation. Chaque colonie, en cessant de l’être, eut peu à faire pour devenir une république[1]. Elle avait un gouverneur et deux assemblées, elle eut encore un gouverneur et deux assemblées ; elle continua de s’administrer et de se régir elle-même comme par le passé. Ce ne fut guère qu’un changement de nom, presque rien ne fut changé dans les choses. L’état de Rhode-Island a eu jusqu’en 1826 pour constitution la charte que lui avait autrefois donnée la couronne d’Angleterre. L’Amérique, en se séparant de la métropole, fit comme un vaisseau qui se détache d’un autre, et continue à suivre la même route et à exécuter la même manœuvre. Les colonies affranchies eurent même quelque peine à se soumettre au pouvoir du congrès, qui, à certains égards, pesait plus sur elles que ne l’avait fait l’autorité lointaine et contestée du gouvernement anglais.

Non-seulement les colonies possédaient sous la monarchie des institutions

  1. Le Connecticut était, d’après sa charte, dit le chancelier Kent, une république, sauf le nom : A complète republic in every thing but in name. La colonie de New-Haven, qui s’était détachée du Massachusetts, se donna une constitution (Plantations-Covenant) sans faire mention de l’Angleterre.