Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/673

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plaintes réciproques sur les ennuis de la séparation, sur la nécessité fâcheuse où l’on se trouve de s’entourer de mystère, projets de fuir ensemble, jalousies, récriminations, colères, bouderies et raccommodemens : tel est le motif général de ces lettres d’amour, motif varié sur tous les tons selon l’usage. S’il y a eu par exemple réception à la cour et si dans cette réception les deux amans n’ont pu échanger un mot, un regard d’intelligence ; si le bouillant Koenigsmark a vu sa princesse s’attarder le long des galeries au bras d’un damoiseau, comptez que la plume de Philippe ne s’endormira pas. De la part de la princesse, même jalousie, mêmes préoccupations des moindres mouvemens de son adorateur : « On ne parle ici que de vos plaisirs et des assemblées continuelles où vous brillez parfaitement. J’espère vous retrouver tendre et fidèle. Si cela n’est, je crois que j’en mourrai, car je vous avoue, que je vous aime à la folie. » On sent néanmoins dans tout ceci la supériorité de la femme sur l’homme. Ainsi, dans cet amour où le roué Kœnigsmark serait bien aise par instans de ne s’engager qu’avec une certaine mesure. Sophie-Dorothée apparaît résolue et vaillante, pleine d’abnégation et de fermeté : « Si vous croyez que la crainte de m’exposer et de perdre ma réputation m’empêche de vous voir, vous me faites une injustice bien cruelle. Il y a longtemps que je vous l’ai sacrifiée, et mon amour me donne plus de courage. Souvenez-vous de tout ce que je vous ai mandé là-dessus. Vous me désespérez par ce que vous me dites sur ce sujet. J’y trouve un air moqueur que je ne mérite point. Voici vos propres mots : « Puisque aucune espérance ne nous reste « de vivre jamais ensemble, pourquoi vouloir nous hasarder pour si « peu de chose, c’est-à-dire pour se voir vingt fois l’an ? » Voila une