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ainsi la sortie. Moins industrieux, les Africains ne recueillent que ceux qui tombent dans les eaux voisines. Les premiers pétrissent ces insectes avec de la farine et en font une sorte de pâtisserie, les seconds se bornent à les torréfier, à peu près comme le café. Ils les mangent ainsi à pleines mains et les trouvent délicieux. Quelque étrange que puisse paraître cette nourriture, il parait qu’elle a son mérite, même pour des palais européens. Les voyageurs s’accordent à parler des termites comme d’un mets agréable et comparent leur saveur à celle d’une moelle ou d’une crème sucrée. Smeathman les regarde comme un aliment délicat, nourrissant et sain[1]. Il semble les préférera ces fameux vers palmistes qui, dans les Indes, figurent sur les tables les plus somptueuses comme une délicieuse friandise[2]. Les termites neutres conservent pendant toute leur vie les caractères et les attributions qui leur ont valu le nom de soldats. Comptant à peine pour un centième dans la population des termitières, ils y constituent une classe à part, qu’un écrivain du dernier siècle n’eût pas manqué de comparer à la noblesse de ces monarchies, où les larves auraient représenté les roturiers. En temps ordinaire, ils vivent oisifs, montant, pour ainsi dire, la garde à l’intérieur, ou se bornent à surveiller les travailleurs, sur lesquels ils exercent une autorité évidente. En temps de guerre, ils paient bravement de leur personne et meurent, s’il le faut, pour le salut commun. Au premier coup de pioche qui met à jour une galerie, on voit accourir la sentinelle la plus voisine. L’alarme se répand, et en un clin d’œil une foule de combattans couvrent la brèche, dardant en tout sens leur grosse tête, ouvrant et fermant avec bruit leurs tenailles. Ont-ils saisi un objet quelconque, rien ne leur fait lâcher prise : ils se laissent arracher les membres et le corps par morceaux sans desserrer leurs mâchoires. S’ils atteignent la main ou la jambe de leurs agresseurs, le sang jaillit aussitôt. Chaque termite en fait couler une quantité supérieure au poids de son propre corps. Aussi les nègres, privés de vêtemens, sont-ils bientôt mis en fuite, et les Européens ne sortent du combat qu’avec leurs pantalons largement tachés de sang. Tout en soutenant la lutte, ces soldats frappent de temps à autre sur le sol avec leurs pinces, et les ouvriers répondent à ce signal bien connu par une sorte de sifflement. L’attaque est-elle suspendue ?

  1. Il parait pourtant que l’abus de cette nourriture engendre des maladies graves, et entre autres une espèce de dyssenterie épidémique qui emporte les malades en trois ou quatre heures.
  2. Le ver palmiste, ainsi nommé du lieu où on le trouve, n’est autre chose que la larve d’une espèce de charançon appelée calandre des palmiers, parce que dans ses deux premiers états elle habite le tronc de ces arbres. Quelques naturalistes pensent que cette larve est la même que celle dont les Romains étaient si friands et qu’ils nourrissaient avec de la farine.