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l’idée de ce travail, de l’avoir patiemment exécuté, nous lui savons également gré du choix qu’il a fait de Marc-Antoine pour inaugurer ses essais, de la prédilection éclairée que lui inspire ce grand artiste, et de la notice simple et concise qu’il lui a consacrée.

Parlons d’abord du travail photographique, nous finirons par quelques mots sur Marc-Antoine.

Il y a des gens qui ont le daguerréotype en horreur, et franchement ils n’ont pas tort, pour peu que cet instrument affecte la prétention de se substituer à l’art et de se mettre aux prises avec la nature vivante. Ces tentatives, si habilement qu’elles soient conduites, si perfectionnées qu’elles soient, ne servent qu’à constater, mieux encore que de simples paroles, la différence infranchissable qui sépare la vie de la mort, le mouvement de l’immobilité. Un portrait photographié, nous parlons des meilleurs et des plus rapidement faits, n’est et ne sera jamais que l’image d’une léthargie. Ce qui constitue la vie, c’est une succession non interrompue de phénomènes qui se suivent et s’enchaînent si rapidement qu’on ne peut les diviser même par la pensée ; pour exprimer cette succession, pour la fixer sur la toile, l’art use de stratagème, invente des à-peu-près, imagine des tempéramens. Il ne cherche pas à surprendre, à saisir comme au passage la physionomie de son modèle dans tel ou tel moment divisible de la durée ; il compose par une intuition complexe une sorte d’instant moyen qui, résumant en lui seul plusieurs instans distincts, en simule la succession : c’est par cet artifice qu’il crée l’illusion de la vie. Une machine au contraire n’a pas toutes ces finesses : elle arrête brusquement l’aiguille, et la montre ne marche plus. Ces figures dont vous me faites voir l’empreinte, je sens qu’elles vivaient, qu’elles respiraient, qu’elles pensaient au moment où vous avez saisi leur reflet ; mais au contact de votre instrument, elles se sont arrêtées, glacées, pétrifiées. C’est le même effet, ni plus ni moins, que l’effet d’un moulage. Au lieu d’un rayon lumineux, appliquez sur la figure humaine un mastic, un enduit, un masque de cire ou de plâtre, et vous obtiendrez un moule littéralement exact de la charpente osseuse, des parties solides et résistantes du visage ; mais les parties souples et flexibles, les lèvres, les paupières, ces subtiles membranes où se concentrent toutes les délicatesses de la sensibilité, en les touchant vous les avez offensées, elles se sont crispées, contractées, et vous n’en avez dans votre moule qu’une difforme et mensongère image. De là ces bustes moulés sur nature dont la soi-disant ressemblance est une glaciale parodie et qui sont condamnés, lors même qu’après coup l’art les rajuste et les ranime, à conserver toujours un aspect cadavéreux.

Dans les portraits photographiés, cette inertie de la figure est d’autant