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dite, à la gravure destinée à l’impression, et dans cet art nouveau, Francia, bien qu’il s’y fût exercé lui-même quelque temps, ne pouvait donner que des conseils et non pas des leçons. L’élève s’émancipa donc, laissant son maître plongé dans sa mysticité, et ne songeant, quant à lui, qu’à son burin et à ses plaisirs. Les ateliers de Bologne n’étaient alors guère plus orthodoxes que ceux de Florence et de Mantoue, et dans les rangs de cette jeunesse railleuse, éprise de l’Olympe, ennuyée du Paradis, Marc-Antoine n’était ni le moins sceptique ni le moins dissolu. De là vient que pendant tant d’années passées près de Francia, il ne fut pas pour lui, comme plus tard pour Raphaël, un interprète assidu et empressé. Il grava bien quelques planches d’après son maître, mais sans lui rendre grand service, car c’est en général sur des dessins mythologiques que son choix est tombé, genre dans lequel Francia est froid, incorrect et au-dessous de lui-même. S’il a reproduit aussi quelques figures de saints, quelques sujets de piété attribués par Bartsch à Francia, l’attribution en est au moins douteuse, tant le caractère dominant dans la peinture du maître est absent dans ces gravures. Une fois pourtant, par exception, il s’est assujetti à copier une œuvre franchement empreinte de l’esprit de Francia. Il s’agit de l’estampe décrite dans le catalogue de Bartsch, sous le n° 121, et représentant sainte Catherine et sainte Lucie. Les deux vierges sont debout, en extase, Catherine appuyée sur l’instrument de son martyre. Là point de contestation possible : ces deux figures, peintes comme tableau d’autel en 1502, sont aujourd’hui dans le musée de Berlin (n° 269), et le style du maître y brille dans toute sa simplicité expressive et pénétrante. L’estampe n’est, à vrai dire, qu’un simple trait soutenu par quelques hachures ; mais quelle intelligence des intentions du peintre ! Comme tout est accusé ! quelle onction dans ces têtes ! quelle justesse, quel sentiment dans ces poses ! Pourquoi tous les tableaux de Francia, les principaux du moins, n’ont-ils pas eu même bonheur ! quel profit pour le maître, pour l’élève et pour nous ! Mais le capricieux jeune homme n’était pas encore d’humeur à se fixer ainsi. Il semble qu’après cet essai, après cet acte de soumission et de complaisance, il ait eu hâte de respirer plus à l’aise, de s’affranchir un instant de cette pureté angélique et idéale, de cette suavité des contours italiens, pour chercher, sous des formes plus prosaïques, certains secrets de son art que la Flandre et l’Allemagne pouvaient seules lui enseigner.

Il les eût vainement demandés à l’Italie : dans la patrie de Finiguerra, la gravure n’avait fait, pendant ces quarante années, que d’insensibles progrès, tandis qu’au-delà des monts elle se perfectionnait à vue d’œil. Aussi ne voulait-on plus à Venise, à Florence, à