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LE ROMAN SOCIAL


EN ANGLETERRE.




LES ROMANS DE MISTRESS GASKELL.


I. — Mary Barton,, a tale of Manchester life, 2 vol. in-8o ; London, Chapmann and Hall.

II. — Ruth, by the author of Mary Barton, 3 vol. ; London, 1853, Chapmann and Hall.




L’instabilité et la fragilité des affaires de ce monde tiennent moins peut-être à la faiblesse de la nature humaine qu’au morcellement, si l’on peut s’exprimer ainsi, de cette même nature humaine et au règne successif et tyrannique de chacune des facultés qui la composent. Chaque siècle a une force qui lui est propre, chaque génération possède au moyen d’action qui lui est particulier, et dont elle se sert à l’exclusion de tous les autres. De là résulte à toute époque une grande exagération de principes, la tyrannie morale d’un seul instinct ou d’une seule faculté. L’équilibre des passions, des sentimens et des facultés de l’esprit est rompu ; l’âme de l’homme devient toute intelligence, ou toute volonté, ou toute passion. Les choses les meilleures, la foi par exemple, lorsqu’elle est l’unique mobile de l’âme humaine et que l’intelligence et le discernement ne sont pas en équilibre avec elle, devient fanatisme ; la volonté séparée de la sympathie devient opiniâtreté et cruauté ; l’intelligence séparée de la foi et de la conscience n’enfante que scepticisme et désespoir. On peut suivre dans l’histoire les ravages que ce morcellement de la nature humaine et ces exagérations successives des diverses facultés ont accomplis, les malheurs qu’ils ont amenés en même temps