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On avait été dès le début sur le point d’atteindre par voie de transaction le résultat auquel on devait finalement arriver après treize années d’une effroyable lutte. Lorsqu’on cherche les causes qui firent échouer les efforts pacifiques de Louis XIV et de Guillaume, et qui infligèrent au monde civilisé de telles calamités, on est amené à reconnaître qu’elles se résument en une seule, — la terreur, le ressentiment profond qu’inspiraient à l’Europe les souvenirs encore si récens des entreprises ambitieuses du monarque français. Les peuples et les princes qu’il avait si longtemps vaincus et humiliés, et dont il avait plus d’une fois envahi le territoire au mépris de traités formels, sous les prétextes les plus frivoles, croyaient ne pouvoir prendre trop de sûretés contre lui. La modération même, l’amour de la paix dont il se montrait maintenant animé, leur étaient suspects ; les témoignages qu’il en donnait leur paraissaient des pièges, et lors même qu’il serait parvenu à les convaincre de sa sincérité, ils en auraient conclu qu’il se sentait faible, parce que leur implacable rancune ne pouvait admettre la réalité d’une pareille conversion, et ils en seraient devenus plus exigeans, plus intraitables encore. Nous avons vu que dans le cours des longs pourparlers qui précédèrent la signature des traités de partage, les deux parties se soupçonnaient réciproquement de mauvaise foi. C’était injuste de part et d’autre, mais c’était naturel, et si deux princes tels que les rois de France et d’Angleterre, sans se dégager entièrement de ces préventions dangereuses, pouvaient par momens trouver dans la grandeur de leur caractère et de leur intelligence politique la force nécessaire pour les surmonter, il n’était guère possible d’espérer que les hommes d’état, que les peuples mêmes dont le concours et l’assentiment leur étaient nécessaires pour mener à bien l’œuvre de conciliation qu’ils avaient entreprise, s’élèveraient à la même hauteur. Il y a là, si je ne me trompe, une grande leçon : c’est que, dans le monde européen tel qu’il est constitué depuis plusieurs siècles, avec les élémens d’un équilibre qui tend toujours à se rétablir, les torts et les excès de l’ambition s’expient tôt ou tard : qu’il n’est donné à aucun souverain, à aucun gouvernement, quelque glorieux, quelque puissant qu’il soit, d’infliger impunément aux autres états de trop graves injures, et qu’une fois engagé dans les voies d’une prépotence inique, il n’est guère plus facile et guère moins dangereux d’en sortir que d’y persévérer.


II

Les informations diplomatiques dont je viens de donner le résumé ne sont ni les seules ni peut-être les plus importantes que contienne