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dénué de preuves suffisantes, est celui qui m’a été enseigné par le vénérable père Maurice, lequel, pendant dix ans, a dirigé de nombreuses et importantes fouilles. Cet homme vénérable, d’une amabilité parfaite et qui connaît tous les historiens de l’antiquité, comme nous Français nous connaissons Voltaire, pense que les tombeaux que nous déterrons appartiennent à un peuple fort antérieur aux Étrusques, peut-être contemporain des premiers Égyptiens, et que comme aujourd’hui notre religion nous enseigne à placer des crucifix auprès de la dernière demeure des personnes qui nous ont été chères, de même chez ce peuple primitif on plaçait des vases ou au moins des coupes dans le tombeau de ceux qu’on voulait honorer.

Un M. Dempstev, savant archéologue de Florence, a publié, il y a plusieurs années, en dix volumes in-folio, l’histoire des systèmes inventés de son temps. Je connais six ou huit volumes in-8o allemands, dont chacun prétend résoudre définitivement la question qui nous occupe. Plusieurs de ces ouvrages sont écrits avec beaucoup de science ; tous se moquent fort de la logique et admettent comme preuve irréfragable de belles phrases pompeuses, ou bien, comme Niebuhr, prouvent une certaine chose, ajoutent une supposition à la chose prouvée, et, deux pages après, parlent de la supposition comme d’un fait incontestable ; c’est ainsi que l’on est un grand homme au-delà du Rhin. Tout ce que l’on peut accorder à ces messieurs, qui se moquent de notre légèreté, c’est qu’ils savent par cœur quinze historiens ou poètes anciens. Ce n’est pas peu ; une tête qui contient cela peut-elle contenir autre chose ?

Je n’ai retenu que deux faits suffisamment prouvés de tous ces ouvrages allemands.

Les vases découverts dans les tombeaux de Tarquinies, situés à neuf heures de Rome, n’ont pas été connus des Romains et leur sont antérieurs. Pline fut un homme exact, genre de mérite fort rare dans l’antiquité ; comme tous les Romains, il était avant tout citoyen de sa république, et a cherché dans son histoire naturelle à exalter son pays. Comme tout bon Romain, il était fort jaloux des arts et de l’élégance de la Grèce : aurait-il négligé de parler des figures admirablement dessinées et des vases que, l’on trouvait enfouis sous terre, à neuf heures de Rome ?

Cicéron, si je ne me trompe, raconte que des vétérans appartenant à une légion de César, ayant obtenu des terres dans le voisinage de Capoue, trouvèrent, en cultivant ces terres, des vases antiques ; mais le peu que Cicéron dit de ces vases ne se rapporte nullement à l’espèce de ceux que l’on trouve dans les tombeaux de Tarquinies. Je pense que ces tombeaux seront fort connus dans une dizaine d’années.

Henri Beyle.
Mars 1837.