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et c’est aussi l’effet de l’ébranlement imprimé à l’esprit public en ces quelques mois, durant lesquels la situation du monde est restée à la merci des incidens et des prétentions de la politique russe. On ne se remet pas si promptement d’une telle secousse, au point de s’endormir en toute sécurité au premier symptôme favorable : il faut que les dernières obscurités de cette question s’évanouissent.

Une des plus récentes lumières jetées sur la crise soulevée en Orient est la discussion qui a eu lieu dans le parlement anglais à la fin de la session. Ce n’est pas que la conversation engagée dans le parlement britannique ait été un véritable débat, ni même qu’elle ait révélé rien de nouveau ou de particulier ; c’est plutôt une explication donnée par lord John Russell, un simple résumé de l’état de la question au moment où il parlait, lui traçant une sorte de généalogie de la dernière crise orientale et des négociations qui ont abouti à la note de Vienne, lord John Russell semble avoir eu pour but de constater plusieurs points principaux, — d’abord que ces complications étaient en voie d’arrangement pacifique, en outre que l’Angleterre et la France n’avaient cessé et ne cessaient d’avoir une même politique au sujet de l’Orient, et enfin qu’on ne souscrirait à aucun arrangement qui n’impliquerait pas ou ne mentionnerait pas l’évacuation des principautés moldo-valaques par les troupes russes. Depuis, le gouvernement français a fait connaître que la note de Vienne, qui avait déjà reçu l’adhésion de la Russie, était également acceptée par la Porte, sauf quelques modifications peu importantes. Or maintenant, quelle est au fond cette note de Vienne, et quelles sont les modifications demandées par le divan ? Rien n’est connu encore avec précision, on le conçoit. Il semble cependant que la note préparée à Vienne. porte, de la part de la Turquie, un témoignage de considération pour les réclamations adressées par le prince Menchikof et pour l’intérêt exprimé par le tsar en faveur des chrétiens grecs. La Porte assurerait un caractère de perpétuité aux droits et immunités de l’église grecque : elle se déclarerait toujours prête à observer les traités de Kaïnardgi et d’Andrinople, et garantirait aux chrétiens grecs le bénéfice des avantages ou privilèges qui pourraient être accordés aux autres communions chrétiennes ; elle confirmerait de nouveau les derniers firmans relatifs aux lieux-saints, et s’engagerait à donner des ordres pour la construction de l’église, du couvent et de l’hospice russes à Jérusalem. D’un autre côté, la Porte réclamerait, dit-on, qu’il fut bien spécifié que les traités de Kaïnardgi et d’Andrinople ne doivent être entendus que d’une manière générale, sans impliquer en aucun cas un droit particulier de protection pour la Russie, et que les chrétiens grecs, dans leur assimilation avec les autres communions, ne peuvent revendiquer d’autres bénéfices que ceux dont jouiraient les chrétiens sujets ottomans, et non ceux qui résulteraient de capitulations existantes en faveur de chrétiens sujets étrangers. C’est la version qui s’accrédite aujourd’hui, et qui ne peut manquer de recevoir de prochains éclaircissemens. Voilà donc où en est venue cette question compliquée : les notes diplomatiques courent les routes de l’Europe, la Russie a accepté définitivement le projet élaboré à Vienne, la Porte Ottomane accepte ce projet avec quelques modifications de rédaction, le continent attend le dernier mot de toute cette crise ; dans l’ensemble, la