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En cette circonstance, c’est rendre service à tout le monde que d’exposer les faits sans préventions comme sans complaisance. Nous allons donc nous placer tour à tour au point de vue des différens intérêts engagés, c’est-à-dire des actionnaires fondateurs, des preneurs d’obligations qui prêtent l’argent des propriétaires obérés qui l’empruntent » et enfin du pays qui s’est flatté, au moyen du crédit foncier, de relever la propriété affaissée sous le poids de ses dettes hypothécaires.

Commençons par l’établissement normal dont le siège est à Paris.

Les actionnaires fondateurs du Crédit foncier de France ne sont pas dans la situation des capitalistes qui commanditent une spéculation industrielle. Un chemin de fer qui n’est pas fréquenté, une usine dont les produits se placent mal, une banque d’escompte qui éprouve des sinistres, dévorent les versemens qui les alimentent. Les fonds de garantie avancés par les actionnaires du crédit foncier n’ont à subir aucune chance de perte : pour qu’ils fussent entamés, il faudrait de ces épouvantables cataclysmes qu’il n’est pas permis de prévoir. Ces fonds, placés sans aucun doute, fournissent leur intérêt naturel, premier élément du dividende auquel ils ont droit. La seconde chance de gain doit résulter du boni croissant sur les frais d’administration, à mesure que l’affaire se développera, La compagnie s’applique 60 centimes par 100 francs placés, jusqu’au chiffre de 200 millions. Au-delà de cette limite, les frais pourraient être abaissés à 45 centimes, si cette remise était nécessaire pour augmenter l’intérêt alloué aux acheteurs d’obligations. Supposez 600 millions d’affaires (ce serait un échec, si ce chiffre n’était pas atteint), les frais administratifs fourniraient au minimum 3 millions, le double à peu près de ce que dépense la Banque de France, dont le service, est beaucoup plus compliqué, beaucoup plus minutieux que ne le sera jamais celui du crédit foncier. Lorsque le prélèvement pour frais administratifs produira 3 millions, il y aura au moins sur cet article 1,800,000 fr. de bénéfice à répartir en dividendes[1]. Il semblerait enfin que la subvention de 10 millions à encaisser proportionnellement à l’importance des prêts effectués dût procurer un supplément de bénéfices ; mais les calculs de la société ne sont pas en concordance avec les nôtres, Il en résulte, au contraire, que cette subvention tout entière, capital et intérêts, sera complètement absorbée par les nécessités de la première opération, Même dans cette hypothèse, et en admettant que le contingent des actionnaires dût se réduire à l’intérêt du fonds de garantie et au boni sur les frais d’administration, le dividende atteindra un chiffre très satisfaisant pour les détenteurs d’actions.

Le second intérêt à prendre en considération est celui des propriétaires emprunteurs. On a fait sonner bien haut l’avantage de ces prêts qui éteignent 100 francs de dettes au moyen de cinquante annuités de cinq francs ; mais il y a au fond de cette offre un inconvénient sur lequel il est bon d’ouvrir les yeux. On sait que la société s’engage à rembourser au taux de

  1. Suivant M. Josseau, les frais d’administration ressortent en Allemagne à 25 cent. par 100 francs ; mais il y a dix-huit administrations dont les prêts réunis s’élèvent à peine à 600 millions de francs, il est évident qu’une seule compagnie opérant sur la même somme réduirait beaucoup ses frais généraux.