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1,200 francs chacune de ces obligations qu’elle vend 1,000 francs. Or cette différence de 200 francs retombé en perte sur le débiteur qui désiré se libérer avant que la créance ait été réduite pur le jeu de l’amortissement. Par exemple, un propriétaire emprunte 1,000 francs à éteindre en cinquante ans, moyennant l’annuité de 5 pour 100 ; deux ans plus tard, il y a nécessité de libérer l’immeuble, soit que l’emprunteur ait besoin de réaliser complètement son capital, soit qu’il y ait lieu à licitation après décès. Eh bien ! indépendamment de 100 francs qui ont déjà été versés pour deux annuités, il reste à paver pour le principal 1,199 francs 37 centimes : en définitive, cet argent si libéralement promis à 5 pour 100 aura coûté 15 pour 100. C’est seulement à partir de la seizième année que la plus-value de 200 francs se trouve amortie, et dès lors la somme que le débiteur doit payer pour se libérer va en s’amoindrissant d’année en année. Cette combinaison n’est-elle pas bizarre et regrettable ? Le crédit foncier, dont la mission est de relever, de moraliser la propriété, devrait offrir une prime aux débiteurs laborieux et économes qui font effort pour s’affranchir au plus tôt ; c’est au contraire une perte dont ils sont menacés. La société a si bien senti cette anomalie, qu’elle a institué deux tarifs de prêts et deux modes de libération. Les personnes qui consentent à payer par annuité 5 francs 45 centimes conservent le droit d’éteindre leur dette à court terme, sans être exposées à restituer plus qu’elles n’ont reçu. On peut encore rapprocher la libération en augmentant la puissance de l’amortissement ; on s’acquitte, par exemple, en payants francs 52 centimes pendant quarante ans, ou 6 francs 52 centimes pendant trente ans, 8 francs 07 centimes pendant vingt ans. Au surplus, quel que soit le mode qu’on adopte, le mécanisme du crédit foncier est incontestablement favorable aux propriétaires, et ce ne sont pas seulement ceux dont on admet les demandes qui profitent de l’institution ; la propriété tout entière y trouvera du soulagement. L’expérience est à peine commencée, et déjà, assure-t-on, les capitaux offerts par l’entremise des notaires ont tendance à la baisse.

Jusqu’ici, le Crédit foncier de France s’annonce comme une affaire avantageuse pour les actionnaires fondateurs et pour les propriétaires qui sont admis à emprunter. C’est beaucoup ; mais cela suffit-il ? Pour prix du privilège qui lui a été accorde, il a une importante mission à remplir. Il doit au pays d’opérer sur une très large échelle la transformation de la dette hypothécaire. Le mode d’emprunt qu’il a adopté est-il assez attrayant pour déterminer cette grande révolution dans les habitudes des capitalistes ? Là est le nœud de la question. Nous avons quelques doutes que nous allons justifier en examinant l’institution nouvelle au point de vue des intérêts généraux du pays.

Le Crédit foncier de France a dans son ressort une population de 34 millions d’âmes, avec une dette foncière de 12 milliards 1/2. Depuis une année environ qu’il fonctionne, les ouvertures qui lui ont été faites pour des emprunts représentent un total de 180 millions ; mais il ne faut tenir compte que des demandes régulières, appuyées des pièces requises par les statuts : celles-ci atteignaient en ces derniers jours le chiffre de 6,339 et s’élevaient à la somme de 121,730,935 francs ; la moyenne par demande est d’environ 17,000 francs. Les prêts autorisés jusqu’à ce jour ne dépassent pas le nombre de 431, pour une somme totale de 29,568,200 francs. La moyenne des allocations