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placement produit en définitive moins de 3 pour 100 d’intérêt fixe, plus deux billets de loterie, dont l’un doit sortir, suivant la moyenne probable, dans vingt-cinq ans, et dont l’autre ne sortira probablement jamais. Ces conditions sont-elles assez attrayantes pour déterminer sur une large échelle la conversion de la dette hypothécaire ? Le doute est permis.

Le grand inconvénient de ces emprunts aléatoires, qui s’adressent, non pas à l’intérêt bien entendu, mais à la cupidité irréfléchie ; c’est qu’il suffit, pour les éclipser, d’une autre combinaison présentée d’une manière plus spécieuse et annoncée avec plus de retentissement. Ce danger, auquel le Crédit foncier de France s’est exposé, vient de se manifester par l’annonce d’une affaire qui remplit depuis quelques jours la quatrième page des journaux quotidiens.

Les sociétés de Crédit foncier de Marseille et de Nevers ont concédé à M. Mirès le droit d’émettre en leurs noms un emprunt de 48 millions, divisé en 480,000 titres de 100 francs au porteur, procurant un intérêt fixe de 3 fr. 65 centimes par an, plus un intérêt aléatoire de 75 centime, c’est-à-dire que 100 lots, d’une valeur totale de 360,000 francs, doivent être distribués chaque année aux cent souscripteurs désignés par le sort. Les versemens doivent être faits par quart et en quatre années ; seulement, comme une commission de 10 pour 100 est allouée à M. Mirès pour ses frais et peines, le souscripteur doit verser la première année 35 francs au lieu de 25 ce qui porte à 110 fr. l’action, qui ne sera remboursée qu’à 100 francs, suivant son taux nominal.

Rien de plus séduisant que cette annonce, sauf un léger oubli. On a omis de faire connaître au public ce que sont les sociétés de Marseille et de Nevers ; la date de leur existence légale, leur personnel administratif, leur régime financier, les besoins et les ressources du domaine livré à leur exploitation. On ne dit pas, du moins dans les annonces de journaux, si les tirages de lots et les paiemens d’intérêts se feront à Marseille, à Nevers ou à Paris ; on ne dit pas comment sont garantis les fonds versés pendant les quatre années qui précéderont la délivrance des lettres de gage. Que des personnes qui se présentent pour emprunter 48 millions, et qui les trouvent, oublient de dire leurs noms et leurs adresses, n’est-ce pas un trait digne de l’âge d’or ?

Pour réparer autant que possible cette inadvertance, nous nous sommes mis en quête de renseignemens. Nous avons découvert que la société du Crédit fonder de Marseille est formée au capital de 3 millions, divisé en six mille actions de 500 francs chacune. Une première série de deux mille actions, la seule qui ait été émise jusqu’à présent, a été immédiatement partagée entre 158 actionnaires fondateurs. Le fonds de garantie n’est donc provisoirement que de 1 million, dont la moitié, seulement a été versée. Les clauses reproduisent presque littéralement la première rédaction des statuts de la société parisienne, lorsque son ressort était limité à sept départemens. Le maximum des prêts est de 300,000 francs. L’annuité à payer pendant cinquante ans par l’emprunteur est de 6 pour 100. La direction est confiée à M. Delpuget, juge au tribunal de commerce. Les opérations doivent s’étendre à trois départemens. Depuis que la société est en exercice, il lui a été adressé des demandes d’emprunt pour environ 6 millions : il n’est pas à notre connaissance qu’aucune allocution ait été accordée jusqu’à ce jour. — Quant au Crédit foncier