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le fléau exerce le moins de ravage. Néanmoins il est toujours prudent de s’arrêter ici le moins possible. À vingt-cinq lieues de la mer, on n’est plus exposé aux atteintes de la maladie ; à deux lieues de la ville, le danger est déjà beaucoup moindre ; la ville même est le lieu du monde où cette maladie, qui porte, comme à La Havane, le nom lugubre de vomissement noir (vomito negro), attaque le plus fréquemment les étrangers. Quelquefois elle les frappe au passage comme une balle invisible. On a vu des voyageurs, venus de l’intérieur, traverser Vera-Cruz en chaise à porteur, s’embarquer sur un navire qui partait à l’heure même, et, touchés au vol pour ainsi dire, aller mourir en mer. Aussi avons-nous retenu nos places pour demain dans la diligence de Mexico ; en même temps nous les avons arrêtées pour l’Europe sur le bateau à vapeur qui partira d’ici le 7 avril, et j’ai écrit au Collège de France que j’ouvrirai mon cours le 10 mai, bien que je parte pour Mexico et que je me trouve à environ deux mille lieues de ma chaire.

Quant aux brigands, depuis qu’ils sont devenus rares en Italie et en Espagne, c’est ici que les touristes doivent venir les chercher. On exagère quand on dit que la diligence est toujours arrêtée entre Vera-Cruz et Mexico ; elle ne l’est que très souvent. À en croire une épigramme dont l’auteur est du pays, on doit, quand on voyage au Mexique, commencer par faire son testament. Cette précaution n’est point nécessaire. Il est rare que les bandits assassinent les voyageurs qui ne se défendent point : ils se contentent en général de les voler. Aussi a-t-on soin de n’emporter que ce qui est nécessaire, de ne pas prendre avec soi beaucoup d’argent ; mais il faut avoir une cinquantaine de francs pour ne point être arrêté les mains vides, ce qui mettrait les voleurs de très mauvaise humeur et pourrait attirer aux voyageurs des traitemens fâcheux. Ceux qui n’ont pas pris cette précaution s’en sont mal trouvés. Il y a quelques années, on lut affiché dans les rues de Mexico l’avis suivant : « Le général des bandes, ayant été informé que les voyageurs se dispensent d’emporter une somme raisonnable avec eux, les prévient que ceux qui ne seraient pas trouvés porteurs de douze piastres seront bâtonnés. » Quelquefois aussi les bandits vous dépouillent et vous attachent à un arbre, ou se portent à des violences encore plus grandes. Il est donc sage d’avoir sa petite contribution toute prête, à moins que plusieurs voyageurs qui se connaissent ne s’entendent pour être bien armés, auquel cas on est rarement attaqué ; mais un ou deux voyageurs qui seuls ont des armes n’imposent point à ces troupes en général nombreuses, et font courir le plus grand risque à leurs compagnons de voyage. Il faut que tout le monde soit armé, ou que personne ne le soit. Les escortes, dit-on, chevauchent en avant ou en arrière, à une