Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/1079

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

diverses, nullement dans l’esprit d’un board anglais ou américain ni d’un comité français. On m’a montré les portraits des trois fondateurs de l’établissement et on m’a raconté leur histoire. Ayant entendu une petite fille prononcer des paroles grossières, ils conçurent le projet de l’institution, et à l’aide de souscriptions formèrent une fondation considérable. Les jeunes personnes ont une tenue parfaite ; elles apprennent à coudre, à broder, à lire, à écrire, à compter, un peu de musique. J’ai demandé ce qu’elles étudiaient, et lisaient, une fois sorties de l’enfance ; on m’a répondu qu’elles ne lisaient et n’étudiaient point. Quelle différence de cette éducation à celle des petites filles de l’école de Philadelphie, qui connaissaient si bien l’histoire de leur pays et même les hommes et les partis du temps présent !

J’ai vu aussi avec M. Lacunza le collège de Saint-Jean de Latran. Ce collège, ainsi que deux autres, délivre des diplômes qui permettent d’exercer la profession d’avocat. On donne les diplômes au bout de huit ans d’étude dans l’établissement, sans examens définitifs ; mais chaque année on est examiné avant d’être admis à passer dans la classe supérieure. Ce privilège est menacé, car on va demander l’instruction libre : le droit possédé par les trois collèges de donner ces diplômes n’est qu’un usage et n’est fondé sur aucune loi.

Au collège de Saint-Jean de Latran est adjointe une classe d’enfans parmi lesquels j’ai eu un certain plaisir à voir toutes les couleurs confondues, même la couleur noire. C’est ce que je n’aurais, il faut le dire, trouvé nulle part aux États-Unis. Dans le collège de Saint-Jean de Latran, les études nécessaires sont le latin, la philosophie, le droit. Les études libres sont le français, l’anglais, l’escrime, la gymnastique, le dessin et l’art du menuisier (carpinteria) ; l’étude principale est celle du droit, dont la base est le droit romain, tel qu’il se trouve dans les Siete patidas d’Alphonse X, rédigées de nouveau (recopiladas) sous Charles III et complétées par les décrets des présidens. Il y a dans le collège deux bibliothèques, l’une dont les étudians ont le libre usage, l’autre qu’on ne peut consulter que sur une permission de M. Lacunza. Il ne doit pas l’accorder trop facilement, car j’y ai vu les romans de Pigault-Lebrun et Faublas à côté de la philosophie et du droit romain.

J’ai visité ensuite l’école de dessin, qui semble établie sur un assez grand pied, mais peu remplie. On y enseigne la peinture, la gravure, la sculpture. L’état envoie de jeunes artistes à Rome. Ce qui manque ici aussi bien qu’aux États-Unis, ce sont des modèles. Je n’ai pas vu un tableau de grand maître, sauf un Murillo douteux. Un élève de Tenerani a sculpté l’Hercule mexicain, dont le nom impossible à retenir, comme tous les noms aztèques, commence par tel et finit par tol. Destiné à la mort, Montezuma voulut lui faire grâce ; mais il