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le système représentatif. L’époque où ils ont visité l’Angleterre n’était pus un temps de crise, et sans peut-être s’en rendre bien compte, la nation, sortant définitivement des révolutions, entrait alors en possession pleine et entière des institutions qu’elle tient de sa propre sagesse. L’ordre constitutionnel se fixait ; mais combien cette stabilité naissante ressemblait peu à la tranquillité froide et silencieuse, recherchée par les peuples faibles comme leur souverain bien ! La liberté politique jouait tout son jeu, et le mouvement des esprits était tel que Bolingbroke se repentit bientôt d’avoir écrit sur la porte de sa maison des champs : Satis beatus ruris honoribus ; ou plutôt il sourit d’avoir si bien persuadé à Pope et aux autres qu’il était devenu fermier, planteur et philosophe. Il n’avait pas oublié qu’il était un écrivain, c’est dire qu’il rentra dans la politique.


XXI

Walpole avait été servi par les événemens. Après avoir fait partie du premier ministère de George Ier, il l’avait hostilement quitté avec Townshend et Pulteney (1717). Son opposition violente n’aboutit qu’à le faire rentrer trois ans après, à des conditions moins bonnes que celles qu’il avait dédaignées ; mais bientôt ses grands services accrurent son pouvoir, et en peu d’années la mort le délivra de tous les rivaux qui pouvaient le lui ravir. En 1722, elle avait fait disparaître l’ancienne junte des lords whigs, Marlborough, Somers, Halifax, Wharton, Sunderland, Stanhope, Shrewsbury, n’étaient plus. Walpole était de fait comme de droit premier ministre, bien secondé par lord Townshend, secrétaire d’état, qui s’étonnait seulement de servir sous Walpole après avoir été servi par Walpole. L’autre secrétaire d’état, lord Carteret, ayant prétendu à la domination, avait été relégué au gouvernement d’Irlande (1724), et le lord chambellan, Thomas Pelham, duc de Newcastle, avait, en prenant sa place, commencé son insignifiante carrière de quarante ans consécutifs de ministère. La politique de ce cabinet, la politique de Walpole était fort simple : c’était une politique de conservation et de paix. Au dedans, les institutions, plus d’une fois retouchées depuis 1688, semblaient avoir atteint une assez grande perfection pour qu’on se bornât à les éprouver paisiblement, sans essayer d’aucunes nouveautés. Le gouvernement parlementaire enfin établi était une nouveauté suffisante. Le temps des réformes ne semblait pas venu, et Walpole au pouvoir se souciait peu des réformes. Au dehors, la paix d’Utrecht, acceptée comme un fait irrévocable, avait amené un nouvel état de l’Europe que l’Angleterre devait tenter de développer à son profit,