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hommes jeunes ou nouveaux, ceux à qui l’inexpérience, l’hésitation ou l’ambition font redouter la contrainte des engagemens politiques, pouvaient être attirés par l’appât d’une association qui posait en principe l’indépendance de ses membres. Naturellement privée des faveurs du pouvoir, elle avait beau jeu à parler désintéressement, dévouement, conscience, et à ne voir en dehors d’elle que corruption et servilité. L’opposition a ce privilège de pouvoir presque toujours prendre l’attitude favorable de la vertu dans l’adversité.

Mais dans cette œuvre de coalition il y avait une combinaison d’artifice et de déclamation qui indignait Walpole. Il trouvait l’un odieux et l’autre ridicule. C’était à la fois un homme de pouvoir et un homme de parti. La théorie de ses adversaires lui paraissait une métaphysique absurde autant qu’hypocrite. Dissoudre les partis et gouverner dans un pays libre comme s’il n’y en avait pas, c’était insensé ; donner aux hommes pour unique mobile le bien public, c’était chimère ou mensonge. Les patriotes étaient des niais, s’ils n’étaient des charlatans ; quant aux habiles qui les avaient enrégimentés, il leur avait fallu diffamer le gouvernement, au risque de soulever la colère du peuple. Sédition et diffamation, telle était donc leur devise, et tel était aussi le titre des pamphlets que ses partisans jetaient à ses adversaires. Il y eut alors un combat de plumes à outrance, et les deux patrons du Craftsman, Bolingbroke et Pulteney, ne furent pas épargnés. Leur défense fut vaillante, chacun d’eux écrivit ; mais tandis que Pulteney poussait l’attaque jusqu’à la dénonciation personnelle et se compromettait au point d’être obligé de répondre l’épée à la main, Bolingbroke, se couvrant davantage, conservant un langage plus général et plus élevé, atteignait la personne à travers la politique et frappait de plus haut son ennemi.

À ces manœuvres de la presse répondirent les manœuvres parlementaires. Les plans de campagne étaient dressés par Bolingbroke. C’est lui qui, se souvenant du traité d’Urecht, imagina de reprocher au ministère que le port de Dunkerque ne fut pas démoli. Il envoya son secrétaire Brinsden inspecter l’état des ouvrages, et, fort de son rapport, Wyndham fit une motion accusatrice contre le cabinet. La France n’avait pas bien littéralement exécuté la stipulation du traité ; mais elle en avait fait assez, et le ministère avait assez insisté pour que la proposition d’une adresse de remerciemens au roi parût soutenable à la majorité. Walpole, faisant appel aux vieilles haines du parti whig, démasqua hardiment l’instigateur secret d’une tentative conçue dans l’intérêt d’un homme et non de la nation. Bolingbroke, attaqué directement, fut défendu par Wyndham, qui, le comparant à Walpole, exalta son caractère et ses talens ; mais l’agression fut vivement