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fortune d’épouser un amiral anglais. Heureusement un certain voile de distinction recouvre ces ressorts assez pauvres, et on lit les Nouvelles contemporaines sans ennui, comme aussi sans y attaches un trop grand intérêt littéraire, et sans se demander ce qu’elles prouvent. C’est au contraire le caractère d’un des premiers romanciers de la Suisse contemporaine, de Jeremias Gotthelf, de laisser une profonde empreinte morale dans chacun de ses récits. On n’a point oublié certainement Ulrich le valet de ferme, ce simple et saisissant tableau de la vie bernoise.

Politiquement aussi bien que littérairement, la France en est donc à traverser une période peu féconde en œuvres et en événemens de premier ordre. La saison vient contribuer à une stagnation qui s’explique aussi par la nature des temps ; les seuls faits significatifs sont ceux par lesquels le mouvement politique de la France se rattache à la situation générale de l’Europe. Or, en observant cette situation dans son ensemble, qu’aperçoit-on ? quels symptômes se manifestent ? quelles affaires se poursuivent ? Il y a d’abord sans doute la crise orientale, la première de toutes les préoccupations dans ces derniers mois, la première de toutes les affaires pour la France comme pour l’Autriche, pour la Prusse comme pour ’Angleterre, sans compter même les deux puissances le plus directement en lutte, la Russie et la Turquie ? N’y a-t-il point en outre cependant un certain nombre de questions fait pour ramener l’Europe au sentiment de sa situation intérieure, ou qui peuvent, dans un temps donné et dans une mesure différente, exercer leur influence sur la politique générale ? Il ne serait peut-être point impossible qu’après s’être beaucoup occupée de l’Orient, la diplomatie n’eût profité de ses réunions récentes pour s’occuper un peu de l’Occident et de quelques-unes de ces questions dont nous parlons, — du travail des sectes révolutionnaires, des relations très refroidies de l’Autriche et du Piémont, des difficultés survenues à Smyrne entre l’Autriche et tes États-Unis au sujet d’un réfugié hongrois. L’état de l’Europe est resté tel après les dernières commotions, qu’il suffit de la moindre crise pour réveiller les espérances de tous les agitateurs révolutionnaires ; aussitôt les congrès occultes sont convoqués, les tronçons dispersés des sociétés s crêtes cherchent à se rejoindre, l’effervescence se ranime au premier bruit de guerre qui éclate sur un point quelconque. On vient d’en avoir un exemple par une réunion dont on parlait récemment, et qui a eu lieu, dit-on, en Suisse ; c’était, à ce qu’il parait, la Jeune Allemagne qui cherchait à se réorganiser sur le modèle à la Jeune Italie. La création primitive de la Jeune Allemagne est déjà ancienne, elle est antérieure à l848 ; mais ces derniers temps ne lui avaient point été favorables ; il lui a toujours un peu manqué ce que la Jeune Italie sait si bien trouver, — les ressources financières. Ce ne sont pas les adhérens qui font défaut, seulement à l’article de la contribution pécuniaire l’enthousiasme perd visiblement de son intensité ; il n’en reste pas moins un contingent suffisant et fanatisé que les chefs de la Jeune Allemagne semblent se proposer d’organiser et d’accroître pour être en mesure d’agir à l’heure voulue. En dehors même des répugnances qu’inspirent les idées et les pratiques révolutionnaires à un point de vue général, n’est-ce point une chose étrange que ce travail occulte d’hommes à qui la grande et vraie société ne suffit pas pour vivre, pour agir, pour produire