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Elle s’attendrit évidemment ; puis elle lui dit d’un ton ferme : « Adieu, chevalier… »

La princesse envoya chercher Ferraterra. « C’est pour me venger, » lui dit-elle. Le prélat fut ravi. « Elle va se compromettre ; elle est à moi à jamais. »

Deux jours après, et comme la chaleur était accablante, Sénecé alla prendre l’air au Cours sur le minuit. Il y trouva toute la société de Rome. Quand il voulut reprendre sa voiture, son laquais put à peine lui répondre : il était ivre ; le cocher avait disparu ; le laquais lui dit, en balbutiant, que le cocher avait pris dispute avec un ennemi.

— Ah ! mon cocher a des ennemis ! dit en riant Sénecé.

En revenant chez lui, il était à peine à deux ou trois rues du Corso, qu’il s’aperçut qu’il était suivi. Des hommes, au nombre de quatre ou cinq, s’arrêtaient quand il s’arrêtait, recommençaient à marcher quand il marchait. « Je pourrais faire le crochet et regagner le Corso par une autre rue, pensa Sénecé. Bah ! ces malotrus n’en valent pas la peine ; je suis bien armé. » Il avait son poignard nu à la main.

Sénecé parcourut, en pensant ainsi, deux ou trois rues écartées et de plus en plus solitaires. Il entendait ces hommes, qui doublaient le pas. À ce moment, en levant les yeux, il remarqua droit devant lui une petite église desservie par des moines de l’ordre de saint François, dont les vitraux jetaient un éclat singulier. Il se précipita vers la porte, et frappa très fort avec le manche de son poignard. Les hommes qui semblaient le poursuivre étaient à cinquante pas de lui. Ils se mirent à courir sur lui. Un moine ouvrit la porte ; Sénecé se jeta dans l’église ; le moine referma la porte précipitamment. Au même instant, les assassins donnèrent des coups de pied à la porte. Les impies ! dit le moine. Sénecé lui donna un sequin. « Décidément ils m’en voulaient, dit-il. »

Cette église était éclairée par un millier de cierges au moins.

— Comment ! un service à cette heure ! dit-il au moine.

— Excellence, il y a une dispense de l’éminentissime cardinal-vicaire.

Tout le parvis étroit de la petite église de San-Francesco a Ripa était occupé par un mausolée magnifique ; on chantait l’office des morts.

— Qu’est-ce qui est mort ? quelque prince ? dit Sénecé.

— Sans doute, répondit le prêtre, car rien n’est épargné ; mais tout ceci, c’est argent et cire perdus ; M. le doyen nous a dit que le défunt est mort dans l’impénitence finale.

Sénecé s’approchait ; il vit des écussons d’une forme française ; sa curiosité redoubla ; il s’approcha tout à fait et reconnut ses armes ! Il y avait une inscription latine :