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Nobilis homo Johannes Norbertus Senece eques decessit Romoe.

« Haut et puissant seigneur Jean Norbert de Sénecé, chevalier, mort à Rome. »

« Je suis le premier homme, pensa Sénecé, qui ait eu l’honneur d’assister à ses propres obsèques… Je ne vois que l’empereur Charles-Quint qui se soit donné ce plaisir Mais il ne fait pas bon pour moi dans cette église. »

Il donna un second sequin au sacristain. — Mon père, lui dit-il, faites-moi sortir par une porte de derrière de votre couvent.

— Bien volontiers, répondit le moine.

À peine dans la rue, Sénecé, qui avait un pistolet à chaque main, se met à courir avec une extrême rapidité. Bientôt il entendit derrière lui des gens qui le poursuivaient. En arrivant près de son hôtel, il vit la porte fermée et un homme devant. « Voici le moment de l’assaut, » pensa le jeune Français ; il se préparait à tuer l’homme d’un coup de pistolet, lorsqu’il reconnut son valet de chambre. — Ouvrez la porte, lui cria-t-il.

Elle était ouverte ; ils entrèrent rapidement et la refermèrent.

— Ah ! monsieur, je vous ai cherché partout, voici de bien tristes nouvelles ; le pauvre Jean, votre cocher, a été tué à coups de couteau. Les gens qui l’ont tué vomissaient des imprécations contre vous. Monsieur, on en veut à votre vie…


Comme le valet parlait, huit coups de tromblon partant à la fois d’une fenêtre qui donnait sur le jardin étendirent Sénecé mort à côté de son valet de chambre ; ils étaient percés de plus de vingt balles chacun.

Deux ans après, la princesse Campobasso était vénérée à Rome comme le modèle de la plus haute piété, et depuis longtemps monsignor Ferraterra était cardinal.

Excusez les fautes de l’auteur.


HENRI BEYLE[1].

20 et 30 septembre 1831.

  1. Il y a un peu plus de dix ans, une mort subite enlevait aux lettres un esprit dont la vive et ferme initiative s’était fait sentir dans les directions les plus variées. M. Henri Beyle, ou, pour rappeler un pseudonyme bien connu, M. de Stendhal, laissait après lui, outre un ensemble d’œuvres qui méritaient de lui survivre, plusieurs manuscrits posthumes qu’un éditeur vient d’acquérir. Il devient ainsi possible de réunir tous les écrits de M. Beyle et d’en former une édition complète, qui n’existait pas encore, et qui ne peut manquer d’être recherchée. Le récit qu’on vient de lire appartient à cette portion inédite et posthume des œuvres d’Henri Beyle que l’éditeur, M. Michel Lévy a bien voulu nous communiquer.